Chronique du web : Les réseaux sociaux, un mal nécessaire

Dans le milieu des initiés, une question récurrente fait rage : faut-il quitter les réseaux sociaux ?
Ah ces fameux réseaux sociaux pour ne pas dire foutus réseaux sociaux – qui sont devenus, de nos jours, « lopium du peuple » ! Tout le monde sen sert, en use et en abuse mais croit naïvement quil en fait le meilleur usage. Du chef dEtat au quidam du bled, en passant par les « people », les célébrités, les hommes daffaires, les scientifiques, les enseignants, les hommes/femmes de médias, les militaires sur les théâtres dopération, les prêcheurs, les humanitaires, les terroristes et criminels de tous bords, il ny a pas une seule catégorie socio-professionnelle qui échappe à lattrait de la communication 2.0.
La frénésie est telle quun richissime homme daffaires à la tête de la première économie et de la première armée du monde préfère de loin lesdits réseaux sociaux aux canaux officiels et traditionnels dont un Etat structuré dispose pour communiquer à ses citoyens et au reste du monde. Sa communication sur le réseau à « loiseau bleu » est si rageuse quelle est attendue avec avidité mais tout autant détestée puisque nobéissant à aucun code convenu.
Bref, à tort ou à raison, nous pensons tous que les réseaux sociaux sont un mal nécessaire, lenvers du décor de la révolution de la « communication citoyenne » de masse rendue virale par la démocratisation et lexplosion de lusage du smartphone, cet autre bidule en passe de se substituer à la convivialité à lancienne. Ni les vols des données personnelles, ni les travers dont les réseaux sociaux se rendent régulièrement coupables ne nous découragent ou ne nous poussent à une réflexion critique de nature à encadrer nos habitudes.
Je vais poser, de nouveau, la question lancinante à laquelle, je sais, beaucoup dentre vous naimeraient pas être soumis : faut-il quitter les réseaux sociaux ? Dans sa rubrique Les contributeurs du 18 janvier dernier, le site frenchweb.fr remet la question au goût du jour sous la plume de Christophe Ginisty, spécialiste des stratégies dengagement sur les réseaux sociaux. Dans un style un tantinet provocateur mais en campant bien le sujet, le contributeur de frenchweb.fr lance astucieusement le débat tout en se refusant de trancher. Mais en suivant son raisonnement, on parvient à la conclusion que notre spécialiste sest fait une raison. Et une bonne raison ! Pour lui, quitter les réseaux sociaux «  cela signifie deux choses fondamentales. Cest évidemment se désabonner dun service gratuit qui propose une série de technologies de mise en relation et qui, en léchange de cette gratuité, commercialise des éléments de profiling à des annonceurs potentiels, mais cest aussi renoncer au lien social que lon a pu nouer, grâce à ces fameuses technologies, avec des personnes dont on aime prendre des nouvelles et avec qui lon a plaisir à échanger. Ces deux dimensions sont indissociables ».
On en déduit donc que lutilisateur des réseaux sociaux est face à un choix si cornélien quil convient, pour lui, de ne pas choisir. Et la question est définitivement réglée. Simpliste non ! Pas vraiment dautant plus que Christophe Ginisty met en balance les avantages et les inconvénients des réseaux sociaux, et donne à chacun les arguments lui permettant de fixer sa propre règle de conduite et donc de se déterminer par rapport à lusage quil voudrait faire des réseaux sociaux. Il est davis que « .au-delà de lexpérience relationnelle, je nai aucun espoir quant à la capacité des réseaux sociaux à faire autre chose que de me permettre de jouir de la dimension sociale inhérente à leur principale proposition de valeur. Pour ma part, je ne les utilise pas pour minformer, pour développer une quelconque connaissance sur le fond des sujets. Je nattends pas des réseaux quils se substituent aux médias traditionnels ou aux experts. Je ne les prends pas pour ce quils ne sont pas et je men porte plutôt bien ».
Toute la difficulté de la question réside dans la chute de la pensée de Christophe Ginisty, à savoir « ne pas prendre les réseaux sociaux pour ce quils ne sont pas ». Mais combien sommes-nous à savoir ou pouvoir observer cette distanciation ? Cest une question de taille, largement ouverte, qui va encore nous préoccuper pendant de longues années. Comme lopium, plus on en sait sur ses méfaits, plus on est attiré par lextase quil procure. Et pour beaucoup dentre nous, ouvrir simplement le débat sur lutilisation des réseaux sociaux est une tentative de censure et donc une atteinte grave à la liberté dexpression consacrée par lessentiel des instruments nationaux et internationaux. Sacrés réseaux sociaux !
Serge De MERIDIO