Le smartphone, quelle merveille ! Celui qui a eu le premier l’idée de nous mettre ce bidule entre les mains est un génie. Un sacré génie à qui nous devons une fière chandelle. Sans prétendre refaire ici l’histoire du smartpone, il faut savoir que « Dès 1990, la norme GSM, 2G est développée. En 1992, le GSM est utilisé dans sept pays de l’Europe avec un débit réel de 9,6 kbit/s. Le premier smartphone, l’IBM Simon, fut conçu en 1992 puis commercialisé en août 1994. Au début des années 2000, le Edge permet un débit réel de 177 kbit/s ». Ces téléphones portables « préhistoriques » qui dorment sûrement du sommeil du juste dans des musées dédiés aux progrès de la technologie devraient pâlir de jalousie face à la performance et au design de leur descendance actuelle.
« On n’arrête pas le progrès », ai-je régulièrement répété dans cette chronique. Mais tout progrès est une médaille qui a son revers. Certes, ce n’est pas toujours le cas – et fort heureusement -, ce revers peut s’avérer d’une telle nocivité qu’on en viendrait à regretter le progrès qui l’a enfanté. Du smartphone, la liste est longue des méfaits qu’il engendre et qui contribuent malheureusement à la déshumanisation de nos sociétés. Pas besoin de vous faire un dessin pour vous convaincre de la pertinence de mes propos. Toute famille dans laquelle on compterait cinq à six portables connectés à internet constitue de nos jours un archipel composé d’autant d’îlots qui ne communiquent presque plus. Et le coup de grâce nous est assené par les nombreuses applications qui nous asservissent davantage à nos fameux téléphones qui, mine de rien, sont en train de ruiner lentement mais inexorablement notre vie de famille. Pas besoin de continuer la démonstration ! Je sais que vous êtes des convaincus qui n’ont nul besoin de mon prêche pour mesurer l’ampleur du désastre.
Une nouvelle forme de ce désastre qui est en train de revêtir un caractère quasi pathologique, c’est l’apparition du phénomène des « smombies ». Selon les définitions courantes sur Wikipédia et d’autres sites spécialisés, le Smombie est un mot-valise formé à partir de smartphone et de zombie ; il désigne un piéton ayant les yeux rivés à son téléphone mobile au point de négliger son environnement immédiat et ne pas appréhender l’attention requise pour sa propre sécurité et celle des autres. Pour être plus complet sur l’essai de définition du phénomène « smombie », il faut savoir que ce néologisme est apparu dans le cadre de l’initiative intitulée « Le mot des jeunes de l’année » organisée en Allemagne depuis 2008, par les éditions Langenscheidt qui ont élu ce mot-valise mot de l’année 2015. Mais précisent les mêmes sites dans un début de polémique, il est possible que ce mot ait été utilisé par les jeunes avant 2015 ou soit apparu à l’occasion de cette élection.
Foin de polémique, le mal est sous nos yeux et se propage à l’allure d’un cancer qui se métastase. En voiture, sur deux roues, en Katakatani… mais surtout à pied, nos yeux ne décollent plus de l’écran de nos téléphones, ce, malgré les législations et le bon sens ! Ce qui se passe dans nos téléphones portables semble si intéressant, important, vital pour nous… que nous nous transformons en Robinson Crusoé au milieu de la foule. A ce rythme des collisions et accidents de toutes natures sont si vite arrivés que le portable, au lien d’être une simple commodité des temps modernes, se transforme en vecteur de la mort. Un article que je viens de lire sur la question enfonce même le clou : « Une chose est établie, les Smombies ne vont pas disparaître du jour au lendemain, et constituent une évolution comportementale préoccupante que les pays abordent de différente manière ». Toutefois, précise Yannick Chatelain, professeur associé et enseignant-chercheur à Grenoble École de Management, quelques initiatives émergent ça et là qui prouvent que les pouvoirs publics sont déterminés à prendre le taureau par les cornes :
– Au Royaume-Uni en octobre 2017 (un pays qui dénombre plus de 7000 accidents sur des passages piétons par ans selon les chiffres du Laboratoire de recherche sur les transports (Transport Research Laboratory), des habitants du quartier du Michigan avaient ainsi pu tester un passage piéton combinant des LED et du machine learning, en mesure de s’adapter à la présence des usagers de la route : cyclistes, piétons, voitures… Une solution pouvant potentiellement, à terme, se substituer aux feux de circulation.
– En Norvège, pour allier sécurité routière et écologie, la route N° 155 traversant la commune de Hole (environ 5000 habitants) s’éclaire pleinement lorsqu’une voiture s’y engage grâce un dispositif LED couplé à un radar.
– En Espagne depuis 2018, les passages piétons de la ville de Fuengirola s’éclairent quand les piétons traversent.
– En Corée du sud, pays qui affiche le taux de pénétration des smartphones le plus importants au monde (environ 93% de la population adulte, contre 80% en France), il s’agit d’un véritable défi. En 2017, 1600 piétons sont décédés alors qu’ils étaient accaparés par leur téléphone portable. Le défi a été relevé : en mars 2019, un passage piéton connecté a été développé pour prévenir les utilisateurs de smartphone lorsqu’une voiture est en approche. Le système, conçu par l’Institut coréen du génie civil et de la technologie du bâtiment, géré par l’État, est couplé à une application qui envoie un message d’avertissement lorsque les feux du passage pour piétons sont déclenchés. Il dit « Attendez. Une voiture arrive ».
– En Israël, Tel-Aviv teste depuis mars 2019 des feux de signalisation au sol pour les « zombies » du téléphone…
– En France dans la même période, « la ville de Mandelieu-la-Napoule teste les passages-piétons lumineux et a équipé son bitume de LEDS de couleur blanche pour une expérimentation qui durera deux ans ».
Pour anecdotiques qu’elles soient, ces initiatives sont la preuve palpable d’une prise de conscience naissante qui mérite d’être collectivement appropriée.
Serge de MERIDIO