Chronique du web : Les déboires de Facebook inquiètent ses investisseurs   Après sa fabuleuse période d’expansion, Facebook serait-il entré dans une ère de turbulences ?

On est fondé à le croire car les investisseurs du réseau social fondé par Mark Zuckerberg veulent être davantage associés aux évolutions du « mamouth ». Ils sentent que leurs billes ne sont plus au chaud et, à tout moment, malheur peut leur arriver. A peine ont-ils réussi à maîtriser le gros incendie allumé cette année par le retentissant scandale de Cambridge Analytica, cette ténébreuse affaire de vol des données de plus de 50 millions d’utilisateurs du réseau social pour le compte de la Russie, qu’ils doivent faire face à des déboires techniques à répétition sous forme de failles qui exposent dangereusement le réseau social aux coups de boutoir des hackers professionnels ou même de simples bidouilleurs. La série noire continue donc pour le géant californien et cela n’est pas pour rassurer ses investisseurs qui estiment qu’ils perdent déjà suffisamment d’argent et qui viennent de décréter qu’il est grand temps de stopper la saignée dont la réalité est effrayante. En effet, selon une étude menée entre le 29 mai et le 11 juin dernier, 26% des Américains ont supprimé l’application Facebook de leur mobile. Cette proportion monte même à 44% chez la jeune génération (18-29 ans).

La semaine dernière, les investisseurs de Facebook ont lâché une bombe : ils veulent encadrer Mark Zuckerberg qui n’en ferait que trop à sa petite tête de génie informatique non rompue aux arcanes très complexes de l’économie. Sans autre forme de procès, les investisseurs de Facebook veulent – exigent – un président du conseil d’administration indépendant. C’est carrément une fronde qui est en marche contre Mark Zuckerberg qui est, comme disent les Maliens, menacé de se noyer dans sa propre urine.

Selon un article Frenchweb/AFP publié le jeudi dernier, « Quatre fonds publics d’investissement ont rejoint mercredi les investisseurs qui réclament le remplacement de Mark Zuckerberg au poste de président du conseil d’administration de Facebook, pour améliorer la gouvernance au sein du premier réseau social du monde ». Qui sont-ils, ces frondeurs, qui osent braver l’autorité et la notoriété du fringant Mark Zuckerberg ? Ce sont les trésoriers des Etats de l’Illinois, de Rhode Island, de Pennsylvanie et de la ville de New York, tous actionnaires de Facebook. Ils se joignent à Trillium Asset management pour réclamer que le poste de président du conseil d’administration soit séparé de celui de directeur général. Or, à l’heure actuelle, c’est Mark Zuckerberg qui cumule ces deux fonctions.

Cette proposition qui s’apparente à un crime de lèse-majesté est une trouvaille de Trillium qui remonte à juin dernier. Ce fonds d’investissement estime que Facebook a besoin d’avoir une supervision plus indépendante après une série de scandales, de fuites de données personnelles ou de manipulation de l’information, qui ont ébranlé la confiance des usagers et écorné l’image du réseau. Trillium va plus loin dans son argumentaire : « il est généralement admis par les experts en gouvernance d’entreprise que des conseils d’administration plus indépendants, à savoir qui ne comptent pas que des directeurs inféodés ou redevables au PDG, exercent mieux le rôle de surveillance et de mise en garde en cas de dérive ».

C’est une vraie bourrasque qui souffle sur Facebook, ce fleuron de la nouvelle économie victime de sa trop rapide croissance, de son succès phénoménal et aussi – peut-être – de la jeunesse et d’une forme de naïveté de son fondateur.

Pour enfoncer le clou, un communiqué du trésorier de la ville de New York assène : « Facebook joue un rôle surdimensionné dans notre société et notre économie. Ils ont la responsabilité sociale et financière d’être transparents ». Son collègue de  l’Illinois ne dit pas autre chose : « Il faut que Mark Zuckerberg soit plus redevable de ses actions auprès du conseil d’administration ». En d’autres termes, même si les autres actionnaires ne peuvent pas s’opposer frontalement aux décisions et choix stratégiques de Mark Zuckerberg – il détient environ 17% du capital de Facebook mais ses titres lui assurent la majorité des votes -, il est sommé de montrer patte blanche. La révolution est en marche, lancée à grande vitesse, car la proposition des fonds d’investissement sera soumise au vote de l’assemblée générale de la société qui se tiendra en mai 2019.

Que pense le staff de Facebook de cette fronde ? La société n’a pas souhaité commenter la proposition. Mais  dans un document officiel, elle a laissé entendre qu’elle ne croyait pas dans les bénéfices d’un président indépendant. « Nous ne pensons pas qu’exiger que le président soit indépendant améliore les choix et la performance et pourrait au contraire être source d’incertitude et de confusion ».

Les géants de la nouvelle économie ne sont pas forcément des adeptes de cette séparation de fonctions, mais Google, Microsoft, Apple, Oracle tout comme Twitter ont du s’y plier. Dernièrement, Elon Musk, le patron de Tesla, la perle qui construit les voitures électriques, a du, lui-aussi, passer la main, contraint et forcé par le gendarme américain de la Bourse. Vous vous rappelez sûrement, cet américain d’origine sud-africaine, milliardaire de son Etat, avait fait des déclarations fracassantes qui ont secoué la Bourse, ce qui lui a valu de vertes remontrances de l’autorité de régulation, assorties d’une ardoise hyper-salée.

L’offensive des actionnaires de Facebook saura-t-elle redorer le blason du réseau social en pleine crise de croissance ? L’avenir nous le dira.

Serge de MERIDIO