Malgré une faconde et une gouaille hors du commun, le président Trump cache mal son sentiment d’être cerné par les affaires dont la plus emblématique est, sans conteste, l’enquête diligentée depuis deux ans par le procureur Robert Mueller. L’intéressé a remis son rapport final vendredi dernier au ministre de la Justice, William Barr, lequel décidera des suites à donner à cette investigation méthodique, minutieuse et potentiellement embarrassante pour le camp présidentiel.
Tout l’establisment politique et les médias américains sont sur les dents pour tenter d’accéder au contenu du fameux rapport, lequel pourrait sceller le sort du président Trump qui ne fait pas mystère de sa détermination d’être dans les starting-blocks en 2020 pour se succéder à lui-même.
D’ores et déjà, il convient de savoir que l’enquête sur ce qu’il convient d’appeler le « russiagate » est entourée de règles particulières dont une, centrale, dédouane l’Attorney Général de l’obligation de fournir au Congrès une copie intégrale dudit rapport. Selon les confrères de Libération (Isabelle Hanneet Frédéric Autran), devançant les inévitables bisbilles auxquelles le sort du rapport allait donner lieu, le Congrès, dans une belle unanimité (420 voix, zéro contre), a adopté le 14 mars dernier une résolution demandant au ministère de la Justice de rendre publiques intégralement les conclusions de Robert Mueller. Mais bien malin qui pourrait deviner la conduite du ministre qui se trouve au cœur de toutes les attentions.
Toutefois, dès vendredi soir, l’intéressé a adressé une correspondance aux responsables républicains et démocrates des commissions judiciaires du Sénat et de la Chambre dans laquelle il donne des gages de transparence : «Je suis en train d’étudier le rapport et je pense que je devrais être en mesure de vous informer des principales conclusions du procureur spécial dès ce week-end».
Si pour l’instant on fait le dos rond dans le camp présidentiel, les démocrates, eux, sont loin d’être convaincus par la bonne foi du ministre de la Justice. D’ailleurs, ils n’ont pas attendu longtemps pour sortir la grosse artillerie et soumettre l’Attorney Général au feu nourri de leurs tirs de barrage, réclamant, immédiatement, la publication du rapport dans son intégralité. Ils caressent l’espoir d’une mise en accusation de Trump et de sa campagne pour collusion avec les russes, malversations, parjure, tentatives d’entrave à l’enquête… Toutes choses susceptibles, à leurs yeux, de constituer des motifs suffisants pour déclencher la procédure d’«impeachment » à l’encontre du président Trump.
N’allons pas trop vite en besogne. Depuis deux ans qu’il est aux affaires, Trump a démontré qu’il a du ressort et sait se sortir d’affaire quand tout le monde le voit sur le point de passer à la trappe. Il pourrait bien retourner la situation actuelle à sa faveur et, malgré les apparences, bétonner son projet de s’adjuger un second mandat. D’ailleurs, des fuites dans les médias qu’on attribue à des responsables du ministère de la Justice proches du dossier, ne disent-elles pas que le rapport final de Robert Mueller ne recommanderait aucune nouvelle inculpation !
Pour rappel, le procureur spécial Robert Mueller a été nommé en mai 2017 pour enquêter sur des soupçons particulièrement graves qui pèsent sur la campagne de Trump. Il s’agit, en l’occurrence, de faits se rapportant à l’ingérence russe pendant la campagne présidentielle de 2016, aux soupçons de collusion entre la campagne Trump et Moscou, ainsi qu’à une éventuelle entrave à la justice du président américain. A ce jour, le procureur spécial Robert Mueller aligne des trophées de chasse de premier choix : 34 personnes et trois entreprises inculpées dont 26 agents russes accusés de piratage du parti démocrate et d’opération de propagande sur Internet, trois entités russes et plusieurs proches ou associés du milliardaire président, dont son ex-avocat personnel Michael Cohen et son ancien directeur de campagne Paul Manafort. De nombreux adversaires du président Trump verraient bien dans les mailles du filet de la justice son fils Donald Trump Jr et son gendre Jared Kushner, deux personnalités qui cristallisent particulièrement leur courroux.
Serge de MERIDIO