Chronique du web : La Coupe du monde de Football et l’électeur malien

Dans la chronique du 28 mai dernier, j’ai osé écrire que la Coupe du Monde FIFA Russie 2018 (14 juin – 15 juillet 2018) pourrait impacter négativement la mobilisation de l’électeur moyen autour du scrutin présidentiel du 29 juillet 2018. De la fin de la compétition à la tenue de l’élection, il y aura exactement deux semaines mais seront-elles suffisantes pour « remobiliser » l’électeur qui aura été comme « shooté » au crack ou quelque autre drogue dure par l’euphorie des quatre semaines précédentes ? J’aimerais bien le croire mais une petite voix intérieure – que je n’aimerais vraiment pas entendre – persiste à me dire que les Douze travaux d’Hercule seraient plus aisés que de faire le deuil de la Coupe du monde. Encore une fois, j’aimerais bien me tromper lourdement en prenant pour postulat la fièvre voire la passion actuelle que suscite le scrutin présidentiel. 

Il ne vous échappera pas qu’en ces périodes de doute où le mal-être le dispute au manque de perspective, le football est pire que « l’opium du peuple ». C’est tout simplement l’exutoire de toutes nos frustrations, de nos rêves brisés, de nos fantasmes les plus farfelus et de la violence bestiale qui sommeille en chacun de nous. Un match de football a le même effet sur la plupart d’entre nous qu’un gros os qu’on jetterait à un chien affamé qui n’aurait d’autre finalité immédiate que d’assouvir sa faim. Pendant ce temps, le monde pourrait  s’effondrer que cela ne lui ferait ni chaud ni froid.

La Russie de Poutine, en proie à la crise politique récurrente, aux sanctions économiques occidentales,  à la drogue, à la violence, au racisme, au chômage…fonctionne exactement de la même façon. Toute puissance nucléaire siégeant au Conseil de sécurité des Nations Unies avec droit de VETO qu’elle est, la Russie n’est pas moins une nations fragile avec ses doutes et ses angoisses… comme toutes autres nations africaines qui chercheraient simplement à assurer son autosuffisance alimentaire.

J’exagère sûrement, mais l’intention première de Poutine est d’anesthésier son peuple pendant ce mois au cours duquel le monde entier sera en train de courir derrière le ballon rond dans des installations flambant neuves qu’il aura fait ériger à coups de centaines de milliards de roubles. Après, advienne que pourra !

Revenons au Mali où chipoter est un sport national. La qualité de soliste de Messi ; les coups de patte géniaux de CR7 et son instinct de buteur ; la maîtrise technique des joueurs de la Roja qui réalisent des séquences à 50, 60, 100 passes avant de conclure une action ; les grosses pointures de la Galaxie football qui, à elles-seules, assurent le spectacle ; les actions lumineuses individuelles et/ou collectives ; les coups du sort ; les frustrations ; la violence sur le terrain, dans les tribunes, et en dehors ; les performances des hommes en noir ; la dimension « people » de la #CDMRussie2018… sont autant d’ingrédients réunis pour alimenter ad vitam aeternam la causerie, les débats voire les disputes dans les « grins ».

Pendant ce temps, et les élections ? « Bof, elles pourront toujours attendre ! ». Surtout quand N’Tji est d’avis qu’il ne sert à rien de se rendre aux urnes au Mali, l’issue du scrutin étant connu d’avance. Ou quand N’Golo soutient que remplacer Samba par Yoro aboutirait au même résultat, c’est-à-dire l’incurie. Ou, enfin, quand M’Pènè argumente que le scrutin se joue plutôt à Paris qu’à Bamako… Il y a là autant d’arguties et d’attitudes négatives qu’on rencontre chez nos concitoyens qui inclinent à ne pas bouger, préférant laisser le soin aux autres de faire le « sale boulot ».

Quelque soit l’angle sous lequel on appréhende cette Coupe du monde de football, elle distrait l’électeur malien au propre comme au figuré. Comme suggéré dans la chronique du 28 mai dernier, il reviendra aux stratèges dans les différents états-majors politiques d’imaginer des modalités de mobilisation pour s’assurer de la fidélité de leurs électeurs. En espérant que, le jour du scrutin, la météo nous évitera les hallebardes.

Serge de MERIDIO