Le Sénégal, cependant, s’assurerait d’une campagne électorale très animée. Rien de nouveau au pays de Lamine N’Diaye, Galandou Diouf, Valdiodio N’Diaye, Mamadou Dia, Léopold Sedar Senghor et Abdoulaye Wade lui-même, pour citer ces seuls ténors de la Mecque africaine de la «tchatche». Mais le pays du « mougne », -ici pris dans le sens de stoïcisme- sait aussi se transformer, les événements récents nous l’ont prouvé, en mur des lamentations quand il le veut avant d’enchaîner les hostilités comme le font le mouvement Y a en marre et le front contre la candidature de Me Wade à la présidentielle du 26 février 2012.
A travers les troublantes déclarations de Bourgi qui, même rétractées restent graves, le slogan trouve, certes, un terreau fertile au Sénégal qui peine toujours à éclairer sa fière capitale d’antan. Le constat du sociologue déborde cependant du seul cadre sénégalais et il dépeint la situation qui prévaut dans les démocraties post bauliennes dont presque toutes font d’abord face à l’épineux problème de la corruption du processus électoral. La forme la plus grave de dérive. En fait l’échec de la démocratie, celle-ci n’étant que l’opportunité donnée aux gouvernés de choisir leurs dirigeants, de manière libre, transparente et intègre.
Or non seulement, les résultats des urnes sont le plus souvent contestés en Afrique mais il arrive souvent qu’ils mettent nos pays en feu. Ce n’est pourtant que nos peuples ne sont pas mûrs, comme le prétend le paternalisme méprisant de ceux qui voient en nous de primates en costume cravate ou en boubou amidonné. C’est simplement que les élites -donc une infime proportion de nos populations- est généralement prête à tout pour prendre le pouvoir, et par ce biais, l’Etat et ses ressources. Avec le pays pour prétexte mais la jouissance égoïste pour seule vraie motivation.
Malgré le double coût de la corruption, ce qui n’a pas été réalisé après avoir été comptabilisé et ce que ça coûte en termes d’opportunités ratées pour le pays. Paradoxalement, l’institution de l’élection devrait avoir pour résultat de pénaliser cette manière de traiter une nation. Mais paradoxalement encore, la marchandisation du processus conduit de plus en plus nos pays vers l’impasse. A moins qu’en 2012, dans notre pays, la jeunesse change la donne.
Elle a le poids arithmétique pour la nécessaire rupture. Reste à voir cependant si la masse critique qu’elle peut produire n’est pas elle-même, à la fois, le produit et le vecteur de la corruption. La vingt et unième année de notre processus démocratique sera, à cet égard, un grand test. L’optimisme vis-à-vis de l’avenir sera de mise si notre jeunesse médite les propos de cet internaute qui pressent que tous les candidats à notre future présidentielle joueront aux grands intègres.
« Même ceux qui ont les mains très sales », écrivait-il hier en réaction à un article avant de dresser un diagnostic de la corruption qui fait frémir. Et de déplorer « la faiblesse de la société civile et du secteur privé peinant à jouer leurs rôle de contre poids à l’Etat et qui seraient devenues pathétiques », en participant et cautionnant ce qu’il appelle « le vol organisé et impuni ». Vigilance 2012, en un mot mais le temps d’écouter existe-t-il encore ?
Adam Thiam
Le Républicain 07/10/2011
