Les divergences qui en résultent sont importantes et on ne peut se le cacher que pour mieux faire dans la fuite en avant ou en faisant la politique de l’autruche. Ce sont, en effet, ces divergences qui créent l’espèce de zizanie dont les forces du mal, y compris Aqmi, ont besoin pour être plus fortes. Ce sont elles qui créent ensuite le climat général de déresponsabilisations successives que nous vivons, avec ses inévitables corollaires : la délation, le ragot facile contre l’honneur des uns et l’intégrité des autres, à cause du fait que la vraie information est retenue. Malheureusement, comme si le tort atroce fait au pays ne suffit pas, on cherche à imposer la morale du milieu : diaboliser non celui qui commet le crime mais celui qui en parle. Mais nous refuserons l’arrogance jusqu’au bout. Tout le reste, c’est l’hommage du vice à la vertu et nous n’en n’avons cure.
Ceci dit, nous trouvons excessif l’embargo indistinctement décrété sur toute la Région de Mopti. En le disant , nous ne nous faisons aucunement l’avocat du gouvernement que nous prenons d’ailleurs très souvent à partie sur la gestion du Nord, redoutant qu’il ne finisse par subir le diktat de partenaires, évidemment non convaincus par notre argumentaire. Surtout la France de Sarkozy après le couac du juillet avec le raid conjoint et infructueux dans la Région de Tombouctou et l’humiliation du 17 septembre avec les enlèvements d’Arlit. Nous pensons seulement que Mopti est trop éloigné du sanctuaire d’Aqmi et trop à découvert pour qu’il soit un objectif terroriste. Et si nos partenaires sont convaincus que nous nous trompons en supposant cela, nous sommes prêts à en débattre, à écouter leurs arguments et reconnaître le bien fondé de leur mesure s’ils nous en persuadent.
Dans tous les cas, il aurait dû y avoir plus de concertations et de consultations avec d’autres dépositaires d’enjeux dans la Région de Mopti avant d’en arriver à une décision aussi grave que de sevrer du coup, Djenné, le pays Dogon et notre Venise de milliers de visiteurs entre novembre et février. Et subséquemment et plus grave, de plusieurs centaines de millions de nos francs gagnés non par Belmoktar ou Abuzeid ou les réseaux de narcotrafic mais par d’honnêtes artisans vivant à la sueur de leur front.
En attendant ce débat, autant nous nous sommes gardé de critiquer les décisions de ces chancelleries quand elles déconseillent Tombouctou, Kidal et Gao à leurs ressortissants, autant nous nous inquiétons de voir que Mopti est classée dans la zone rouge. Dans quelques mois, ce pourrait être Ségou et sans doute Bamako plus tard. Oui au principe de précaution mais au préalable avec une évaluation partagée de la menace. Sinon, c’est vers l’asphyxie qu’on nous mène. La tragédie est celle-ci : c’est plus Sangha qu’on affame que Timetrine.
Adam Thiam
Le Républicain 12/11/2010