Entre consensus et majorité plurielle L’équipe resserrée dont il avait été question, un moment, pour boucler l’ultime mandat présidentiel avec plus de solidarité, de cohésion et de fluidité a donc fait place à l’arche de Noé du consensus. Avec les partis – il y en a six totalisant dix neuf ministres-, les indépendants qui sont seize. La jurisprudence est respectée, le chef de l’Etat conservant sa prérogative de mettre ses hommes et femmes de confiance dans les ministères dits de souveraineté. Toutes les formations politiques majeures sont ainsi représentées sauf le Sadi qui devient, de facto, le seul parti de l’opposition parlementaire.
Le retour du Rpm et du Parena signifiant normalement qu’ils ont rejoint la majorité présidentielle. Encore qu’il faut avoir à l’esprit que membre du Cndp, la mouvance présidentielle d’alors, le parti du bélier blanc avait tenu la dragée haute à l’Adema. Autre constat, malgré le discours ambiant contre un autre président indépendant en 2012, les partis et la technostructure s’équilibrent. Le rapport soulève la question de la clé de répartition. On ne peut pas clairement percevoir le critère poids parlementaire/nombre de ministres.
Il n’est pas absent mais les paramètres de pondération utilisés – genre, région, background, facteur confiance,- ont été, à l’évidence, utilisés. Pour ce qui est de l’équipe, constatons que l’Adema a changé deux de ses anciens ministres et l’Urd a gardé deux de ses ministres au même poste. Il y a seize rentrants. Ce n’est pas rien à un an de la fin du mandat où l’opérationnalité immédiate pré-conditionne le résultat. Cependant, on ne peut pas crier au « gouvernement de stagiaires », la quasi-totalité des nouveaux paraissant, sur le papier et par leurs parcours antérieurs- profilés pour leur portefeuille, pour ne prendre que le seul cas du nouveau ministre de l’Energie de l’Eau, l’économiste Habib Wane dont la réputation n’est plus à faire.
Bon flair ou coup de poker?
S’agissant du genre, le nombre de femmes a légèrement diminué par rapport aux gouvernements auxquels ATT nous a habitués. Mais deux consolations : la primature et le très stratégique ministère de la santé sont tenus par des femmes. Trois nouveautés méritent qu’on s’y arrête. D’abord, la nomination -sans précédent- aux Affaires étrangères de Soumeylou Boubeye Maiga un « sécuritaire » civil doublé de communicant : les défis de l’espace sahélo-saharien ainsi que le besoin de rassurer des partenaires ciblés, sont sans doute passés par là. Ensuite la création d’un portefeuille Postes et Nouvelles technologies jusque-là rattachées au classique ministère de la Communication. On ne peut s’empêcher de pressentir derrière cette décision le besoin d’ouvrir le secteur du cellulaire contre « la dictature du binôme ». Et à la manœuvre, a été mis l’économiste et désormais ancien fonctionnaire international Modibo Touré.
Noyau dur.
La séparation confine Sidiki Nfa Konaté à la seule Communication avec une feuille de route qui serait plus d’ouvrir le secteur de la télévision privée que de travailler à la « libération » des médias publics.
Enfin, le ministère de la Réforme de l’Etat : devenu un ministère à part, il est donné à quelqu’un qui a le physique pour l’emploi -Daba Diawara- et l’emploi est de faire aboutir le projet de révision constitutionnelle sensible à cause du facteur temps et de son contenu pour certains. Quid des seize ministres qui ont échappé à la purge? Doyens des gouvernements Att et inaugurant leur quatrième Premier ministre, Ahmed Diané Séméga et Kafougouna Koné ont gardé leurs postes.
Ce dernier conserve d’ailleurs le même poste régalien depuis neuf ans. Idem mais avec moins de longévité pour Natié Pleah à la défense, Maharafa Traoré à la justice et Lassine Bouaré à l’Economie et aux Finances dans une certaine mesure, car il ne s’agit dans son cas que d’un « reclassement ». Même si Kafougouna bénéficie de l’appui de David Sagara, ministre délégué chargé de la Décentralisation, c’est vers lui que convergeront tous les regards et toutes les attentions en 2012 où le pays doit s’offrir des élections dignes de sa grandeur ou basculer dans les démocraties bananières.
Il ne lui faut pas beaucoup mais simplement faire comme au Niger. Sera-t-il l’homme de ce défi ? D’une manière générale, l’attelage Kaïdama saura t-il relever ses défis essentiels? Surtout saura-t-on l’évaluer ? Car il serait criminel de se réjouir pour l’école qui a même renoué avec ses vieux démons. En tout cas, les équilibres seront de plus en plus précaires, plus que du Sadi l’opposition réelle viendra de nos problèmes et griefs personnels. C’est cela le propre des fins de mandat : elles requièrent que tout ce qui a été gelé soit géré.
Adam Thiam
Le Républicain 08/07/2011