Et puis, il y a eu deux visites de grande valeur stratégiques. Celle du Président du Conseil Européen, Van Rompuy, qui assure le Mali de la poursuite du gigantesque effort européen de reconstruction de notre armée nationale. Même si son message au parlement malien sur l’impératif de gagner la lutte contre la corruption est d’une limpidité qui vaut feuille de route, en soi. D’autant que l’Union européenne est notre plus grand partenaire. Deuxième visite mais c’est bien plus qu’une visite : celle de sa majesté Mohamed VI. Que certains de nos compatriotes n’hésitent plus à appeler « notre Roi » et à propos duquel, les titres que l’on veut accrocheurs ne sont pas tolérés : témoin, les réactions hostiles à notre article de décryptage que de nombreux internautes ont trouvé impertinent à l’égard de notre hôte. L’impertinence est bien loin de nos intentions mais ce qui importe de mettre en relief, c’est l’élan quasi fusionnel entre le Roi et Bamako. On en aura une preuve supplémentaire, sans doute dans quelques heures, où pour la deuxième fois en cinq mois, le souverain priera à la grande mosquée de Bagadadji. Peu de dire que c’est une page inédite de la relation Rabat-Bamako qui s’écrit. Au-delà de la coopération, c’est indiscutablement une fraternité réassumée qui se déploie et qui se déploie, non au détriment de quelqu’un d’autre mais au bénéfice des peuples marocain et malien. Pourvu que l’élan se maintienne !
SEMAINES LIBERATRICES POUR CERTAINS, DOULOUREUSES POUR D’AUTRES. Mohamed VI sera parti la semaine prochaine, bien qu’il adore séjourner sur les bords du fleuve Niger. Et là commencera peut-être l’épreuve pour le gouvernement dans son entièreté. Car n’oublions pas qu’il y a un nouveau parlement, que ses commissions sont installées et qu’aucune autre péripétie d’ordre diplomatique ne viendrait s’opposer à la démission du gouvernement d’Oumar Tatam Ly. Encore que la configuration du Parlement, avec l’écrasante majorité présidentielle qui s’y est dégagée ne contraint pas à la démission impérative qu’aurait appelé, par exemple, une victoire de l’opposition aux législatives. Alors, le Président de la République, provoquera t-il la démission, par conformité à la tradition républicaine ? Ou refusera t-il, au nom, d’une realpolitik qu’il peut seule mesurer, de céder au conformisme ? Des voix se font entendre, en tout cas, pour que le second gouvernement de la législature attende les élections communales. L’autre camp de la majorité estime que les normes républicaines doivent prévaloir et qu’elles s’incarnent par une Déclaration de Politique générale devant un nouveau parlement.
TATAM 2 OU EX PREMIER MINISTRE ? En filigrane des débats sur l’une ou l’autre éventualité, transparaît la question de quel ministre sera maintenu, de qui s’en ira, de qui changera de portefeuille et de quelle sera la taille du gouvernement. Et surtout ses objectifs spécifiques, après cinq mois de magistère qui avait la double charge d’assurer la continuité de l’Etat après la transition et d’impulser la gouvernance de changement promise par le Chef de l’Etat. En cinq mois, celui-ci a-t-il eu le temps d’évaluer l’attelage, à commencer par le Premier ministre ? Ce dernier, on peut le penser, n’a pas de grand souci à se faire si le président traduit en décret la confiance dont il l’a créditée au début de l’année. Mais tout dépend de quand le remaniement se fera. S’il est imminent, le temps joue pour Tatam 2. S’il attend les communales, ce sera bien moins évident. S’agissant de lui, le Chef du gouvernement a-t-il fait une appréciation rigoureuse des résultats et aptitudes des membres de son actuelle équipe ? Un bilan qui n’aurait rien à voir avec la fièvre des caméras qui s’est emparée de certains ministres montrant leurs résultats ou déclinant leur agenda. Comme si l’avenir proche leur appartenait déjà. Il s’agit d’un bilan sincère, qui porte le Mali, profondément le Mali, celui rétabli et conquérant que visionne le discours d’Ibrahim Boubacar Kéita. Le Mali fier plus qu’orgueilleux. Le test est à la mesure de l’enjeu. Certains ministres resteront donc et d’autres partiront. Mais tous, pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore en ce moment, paieraient pour que Mohamed VI reste quelques mois chez nous.
Adam Thiam
SOURCE: Le Républicain du 21 fév 2014.