Des musulmans qui ont permis, selon des témoignages concordant, à plusieurs hommes d’épouser en même temps la même femme, les pratiques libertines des patrouilleurs de la foi eux-mêmes en disent long sur la ferveur religieuse de ceux qu’on considère jusque-là comme des fondamentalistes. De plus, à l’intérieur des travaux, le débat sur l’islam animé jeudi par des voix autorisées aura eu le mérité de lever les derniers voiles sur les islamistes d’Aqmi-Ansardine-Mujao. Ces voix auront conforté les experts du Sahel-Sahara pour lesquels l’intention des Emirs est plus de créer une zone de non droit pour le crime organisé que de répandre l’islam. Dans la franchise qui le caractérise, Cherif Madani Haidara aura mis le doigt sur un point qui requiert l’attention : la validation des exactions des jihadistes du Nord par certains milieux de la capitale, comme préfigurant la jonction entre l’aile militaire et l’aile politique du salafisme conquérant contre l’islam d’essence malikite dont se prévalent les pratiques ouest-africaines. Une mise en garde qui met en perspective l’action d’Aqmi et dont on ne peut pas exclure le prosélytisme non pour l’islam mais un type particulier d’islam.
S’agissant du Mnla, il est évident que les communautés sédentaires du Nord n’entendent pas laisser passer par pertes et profits son action dans cette crise. Elles en veulent au Mnla d’avoir été l’élément déclencheur à partir d’un argumentaire peu recevable car oubliant les efforts consentis depuis deux décennies par l’Etat pour les zones nomades du Nord. Elles se souviennent des pillages et d’autres sévices infligés pat ce mouvement non à l’Etat mais à ceux qui étaient leurs voisins juste la veille. De plus, pour reprendre les termes d’un député, ils ont été le porte-avions de ceux qui lapident et amputent aujourd’hui et qui s’étaient contentés jusque-là de leurs grottes. Sous cet angle, on comprend le malaise que suscite auprès de certaines communautés la proposition ou l’initiative de dialoguer avec le Mnla. L’Etat doit faire son devoir de mémoire et de repentance vis-à-vis des atrocités qu’il a infligées sur la seule base du turban. Mais cela est une autre question. Ce n’est pas à l’Etat mais aux victimes du Mnla d’opter pour la solution amiable et le pardon. Nos sociétés sont pourvues de mécanismes appropriés pour traiter ce genre de problèmes, aussi bien chez les sédentaires et chez les nomades qu’entre eux. Car que ces communautés réapprennent à vivre ensemble est la condition même de leur survie, on voit mal ce qui va rendre impossible la réconciliation du Nord avec le Nord et par le Nord. D’où la nécessité d’une initiative qui transcendera les clivages ethniques et les logiques de procès. Histoire de dire que l’argument que le Mnla ou Ansardine sont nos compatriotes n’a pas beaucoup de chance de prospérer puisque nos prisons sont pleines de voleurs, de meurtriers ou de violeurs maliens eux aussi.
Adam Thiam