Chronique du vendredi / L’école de nos besoins versus les besoins de nos écoles

D’où la décision de créer les quatre universités suivantes à Bamako sans préjudice des projets de création d’universités dans nos régions : l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako(Usgb) ;  l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako (Ulshb) ; l’Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako (Usttb) ; l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (Usjpb). Force est d’admettre que la mesure peut aider à une meilleure gouvernance de l’école et de l’enseignement supérieure. Car les ingrédients de la performance sont là : spécialisation, proximité, ratio encadreurs-encadrés. Et pour le gouvernement, l’effet cascade de la mesure est garanti : des universités mieux gérées impulseront «  une nouvelle dynamique dans l’enseignement, la formation et la recherche ». En attendant, plusieurs aspects mériteraient d’être abordés. D’abord, la date d’entrée en vigueur de la mesure. Il serait étonnant, sauf si le gouvernement était déjà fin prêt pour cela, que le décret d’application soit pris pour la rentrée académique qui s’annonce.

Ensuite, la question normative n’est pas évitable : l’université, par définition, est là où tout s’apprend. Or,  même si la mesure gouvernementale découle du principe de la subsidiarité, elle a, à priori, la faiblesse de faire comme du cantonnement. La conséquence, c’est que les nouvelles universités compteront moins de facultés qu’ailleurs. Et c’est peut-être pour ne pas avoir plusieurs facultés de lettres par exemple, que le gouvernement n’a pas cru devoir opter pour le modèle parisien. Le défi à cet égard sera donc de faire en sorte que le projet ne scinde plus l’université de Bamako qu’elle n’en donne authentiquement quatre. Dernier point de débat : s’il est évident que la gouvernance de l’école peut sortir renforcée de l’application de la nouvelle formule, il est en revanche difficile d’imaginer comment la formation donnée sera plus adaptée au marché de l’emploi que celle de maintenant. Y-a-t-il  des projets portant sur de nouvelles filières ? Le cas échéant, c’est bien la preuve que le ministère très stratégique de l’éducation doit communiquer.

Et communiquer n’est pas forcément coloniser la télé, mais transmettre le message qu’il faut, dans la langue qu’il faut et à la cible qu’il faut. La pierre d’achoppement traditionnelle en somme et que l’on peut encore retrouver dans quelques semaines où l’université est supposée rouvrir, en corrigeant les faiblesses du passé. De toutes les manières, la question de l’emploi n’est pas réglée avec l’université : elle l’est surtout avec l’enseignement professionnel. Le plus petit ouvrier togolais et ghanéen que nous utilisons à Bamako est détenteur de Certificat d’Aptitude Professionnelle. Les diplômés nationaux sont où ? Réponse : dans les filières longues.

C’est-à-dire à l’université, apprenant les maths, la physique, le russe ou l’allemand si ce n’est le droit ou la gestion. Il ne s’agit pas de rejeter ici le bébé avec l’eau du bain. La mesure gouvernementale mérite qu’on lui donne ses chances. Toutefois, il ne faut pas prendre le taureau pour ses cornes : le mal est bien plus profond et l’absolue nécessité de reformater l’école passe une application méthodique, évaluée et communiqué du plan issu du Forum sur l’Ecole.

Sans quoi, nous serions en train de former à chaque fois une commission ou une structure pour régler des problèmes qui peuvent être d’ordre humain. Clémenceau avait eu cette formule que nous répétons chaque fois que l’occasion s’en présente : « un chameau est un cheval dessiné par une commission ». Souhaitons cependant pour notre école que les problèmes que la nouvelle mesure prétend corriger relèvent plus de facteurs  structurels qu’anthropiques  de notre champ du savoir qui, il n’y a pas d’autres mots, se désertifie.       

Adam Thiam

Le Républicain 30/09/2011