Quant à la fierté, elle aurait joué en amont, usant de ses leviers et de ses garde-fous pour éviter à la nation de tomber aussi bas que ce 22 mars. Puisque ce jour-là, ce n’est pas seulement sur le chef suprême des armées que les mutins ouvraient le feu mais aussi sur la IIIè République, et quasiment le jour du vingt et unième anniversaire de celle-ci. On ne soulignera jamais assez la nuisance du coup de sang qui traversa ce jour nos soldats. Ce n’était ni la manière, ni le lieu, ni le moment. Et cette colère nous a ramené bien loin en arrière, amenant aux chevets du pays des médecins au cv démocratique contestable. Mais les acquis étaient fragiles, le pays a baissé la vigilance et si la junte en a été le bras malheureux, c’est bien la crise du Nord qui, en révélant la grande vulnérabilité systémique du pays, a mis ATT à découvert et à portée de tir d’une armée qui, répétons-le, est celle de nos compromis, pas de nos besoins.
Car tout est au rabais dans ce pays : l’enseignement, la santé, la politique, la gouvernance, la presse, la morale, l’éthique, la justice et fatalement… l’armée. Démocratiser l’excellence, pour emprunter sa formule au bloggeur Fatogoma Ouattara est l’opportunité qui s’ouvre à nous maintenant. Après l’orage comme il l’a dit. Et l’orage, le capitaine Sanogo et ses hommes ont les moyens de l’empêcher, s’ils en ont la sagesse.
Et fasse Dieu qu’ils l’aient. Non pas à cause des pressions de la Cedeao de l’Union africaine ou de la communauté internationale. Mais pour le Mali et pour les Maliens. Il faudra le faire parce que nous sommes en compétition avec d’autres pays. Il faudra le faire parce que nous sommes une vieille nation qui a appris à retomber sur ses jambes quand tout paraît perdu. Il faudra le faire parce que ce pays trahi par ses élites est aussi abandonné par ceux qui prétendent incarner la morale internationale et qui demandent à la rébellion qui nous sépare, viole nos filles, pille nos biens, non pas le retrait inconditionnel des territoires d’une nation aux limites reconnues par l’Onu mais simplement un cessez-le feu immédiat. Il faudra le faire parce que sinon ce pays qui ne le mérite pas sera davantage détruit.
Penser à ceux qui sont tombés, penser à tous ceux qui vont tomber dans l’épreuve, penser à la douleur de celles qui ont été violées à Gao, penser à cette vieille nation, à son histoire prodigieuse et au futur que nous avons l’opportunité de lui donner, en tirant toutes les leçons : voici ce qui doit être notre credo en ces heures douloureuses.
Adam Thiam
Le Républicain Mali 06/04/2012