Chronique du vendredi / Le message est compris. Le messager aussi ?


Car c’est la première prise de position ouverte d’un candidat potentiel sur un scrutin qu’il estime impossible à tenir à la date du 29 avril et dans des conditions satisfaisantes. Le constat d’impossibilité a été dressé, hier dans la conférence de presse de la Sadi, dans les termes les plus explicites par un autre héros de mars 1991. En effet, l’homme de culture et ancien ministre Cheik Oumar Cissoko va jusqu’à demander au gouvernement « de renoncer à l’organisation des élections dans ce contexte et de consacrer toutes les ressources disponibles à l’objectif majeur qu’est la défense de notre intégrité territoriale et de notre unité et conclure une paix juste ». Vingt quatre heures après le raid du Mnla à Goundam et Diré, ce n’est pas rien.

Et Mariko parle également après les outrecuidances de Menaka, Anderaboukane, Léré, Aguel Hoc, Hombori, Tessalit, Tonka, Soumpi, Youwarou, Tenenkou, Gomakoura, Niafunké. Il parle en raison d’une guerre injustifiable en démocratie et  déclenchée depuis mi-janvier, avec sa part de zizanie semée entre les enfants du même pays, avec sa part de psychose chez les populations et avec sa part d’humiliation pour une armée qui, aux yeux de beaucoup, a plus donné dans la parade du cinquantenaire que dans la défense du territoire.

Quelles que soient les raisons invoquées et les nuances stratégiques qui nous sont données : le fait est que pour la nation, son armée est en guerre et de surcroît dans une guerre juste et imposée. Il est alors possible que Mariko  se soit fait le porte-parole sincère de cette partie de l’opinion qui trouve indécente de parler d’élections en ces heures graves pour la nation malienne. Il peut avoir sincèrement pensé à l’éleveur de Menaka privé subitement de ses animaux,  à ceux qui ont eu leurs boutiques pillées à Diré, Goundam et ailleurs, ou aux familles des soldats morts au combat, égorgés dans l’isolement ou  se préparant pour  un front qui ne ressemble à nul autre de notre histoire immédiate, sa spécificité résidant dans le fait que ce ne sont pas des soldats loyalistes qui pourchassent des maraudeurs. Ce sont pratiquement deux armées qui se font face, avec des moyens dévastateurs d’un côté comme de l’autre, mais, pour l’instant, l’avantage du terrain pour la rébellion.

Et l’enjeu est l’intégrité du territoire. Mais si courageux que soit l’appel de la Sadi, il ne manquera pas de mettre le landerneau politique sur le dos de Oumar Mariko. Et peut-être une partie des citoyens dont la proportion sera définie par l’accueil qui sera fait de la conférence de presse. Car pour  bien des candidats, l’élection doit se faire et peut se faire sur l’ensemble du territoire. Même pour le président de la République, la jurisprudence de 1992 et la sécurisation promise des scrutins  infortunes rendent possible le respect de l’échéance d’avril. Une autre catégorie de politiques et de citoyens estime que l’élection, en amenant du sang neuf conduit plus facilement qu’une équipe sortante au dialogue avec la rébellion.

On ne parle même pas de tous ceux qui imputent tout le chaos à Att et ceci dans le seul but de rester au pouvoir, lui l’artisan de la constitution qui limite les mandats présidentiels à deux,  qui a dit à plusieurs occasions qu’il ne restera pas une minute de plus et qui dégage tous les signes extérieurs de quelqu’un qui est déjà dans ses cartons. L’autre faiblesse de la démarche de Sadi, c’est qu’elle est solitaire. Elle ne vient pas de surcroît du candidat le mieux placé, ni du parti majoritaire. Mais la question de l’élection du 29 avril est loin d’être inutile et elle mérite un débat sans passion et sans calcul. Oumar Mariko l’apprendra, très vite, à ses dépens. A cet égard, il y a désormais le Mariko d’avant la conférence de presse et un Mariko d’après. Et peut-être qui est vraiment le Mariko pendant la conférence de presse…

Adam Thiam