Chronique du vendredi : Entre l’accessoire et le principal


Ce, à  un moment où à urgences égales mais sous d’autres cieux, le Premier ministre n’a eu besoin que de quarante-heures  après sa nomination pour présenter sa Déclaration de politique générale. Il est vrai qu’en attendant donc sa feuille de route et le quitus du Parlement, le gouvernement-commando, s’est tout de suite mis en jambe. Deux conseils de ministres lui auront suffi pour  tenir la capitale en haleine,  que  les « grins » s’animent, que  le nom du président soit sur toutes les lèvres, que des familles pleurent et fassent rires d’autres. Pour cause. Les mesures individuelles -limogeages ou nominations- sont les seuls événements que le microcosme bamakois suit attentivement et subit réellement.

Car un décret peut tout modifier, du jour au lendemain, pour des cercles d’amis, des ménages et des villages. Du reste, cela est fort compréhensible : au pays, le secteur privé est encore un vœu pieux, peut-être l’appendice d’un Etat à la pratique criminalisée. La compétition a tout d’un leurre et le mérite relève, en général, du slogan. Donc, il est inévitable que l’Etat soit le marchepied des uns et l’abattoir des autres.  Le tout, dans l’étrange  la chimie africaine du pouvoir où le sourire du président tient lieu de bénédiction et  sa colère de séisme. Personne ne fera mieux que Mbembé et Bayart dans l’analyse de ces deux pôles – la béatitude et le désarroi- entre lesquels oscillent la recherche parfois servile de la grâce et la phobie-  incapacitante- de la disgrâce. Des pôles que viennent de connaître  des Daf relevés mais non encore remplacés par contraste aux quatre nouveaux directeurs de services stratégiques que sont les Impôts, la Douane, les Marchés publics et les Domaines. L’asymétrie donne une idée sur le degré de préparation des différentes mesures. L’excuse du nombre plus élevé de Daf à pourvoir n’est pas sans importance. De même que les garanties de plus grande rigueur dans le recrutement de la prochaine cuvée des Daf.

Comme les enquêtes de moralité.  Est-il recevable d’en parler juste maintenant alors que les programmes du candidat ATT en 2002 et en 2007, insistent sur la  gouvernance efficiente des ressources publiques ?   De plus, le système d’intégrité publique repose sur trois piliers : le respect des procédures, la lutte contre l’impunité et la production de l’information financière. Sur ce dernier plan, nous avons un des dispositifs les plus  performants d’Afrique, à travers  le Bureau du Vérificateur général malgré les tensions du mandat écoulé.  Nous ne sommes donc pas à l’année zéro du combat contre la corruption, malgré les défis restants. Ensuite, l’étonnant n’est pas que des cadres soient limogés mais que certains d’entre eux aient pu être nommés avant.

Au demeurant,  c’est au ministre qu’ incombe la responsabilité ultime des résultats et de la moralité de son service, le Daf ne pouvant être que ce que Monsieur le ministre veut qu’il soit. Au Niger voisin, le retard pris dans la formation du gouvernement  d’hier a été expliqué par l’exhaustivité de l’audit moral auquel les candidats durent se soumettre.  Certains  politiques nigériens ont survécu à l’inquisition après   vingt ans d’office. Une telle enquête ici  renseignerait tant sur la morale de nos troupes… Mais c’est une autre histoire. Contentons-nous de rappeler  la tyrannie du temps qui file, et qui ne nous impose plus hélas que  l’essentiel : un Mali calme et convivial jusqu’au 8 juin 2012 et après. Car, il faut bien, comme  IBK le dit autrefois à sa façon : force doit rester au Mali.     

Adam Thiam

Le Républicain 22/04/2011