Chronique du vendredi / Cocktail Malitov : suite mais pas fin


C’est Siaka Sangaré, le patron de la Délégation Générale aux Elections (DGE) qui s’exprimait ainsi en 2007. Le président Touré venait de réaliser par le « takokelen», une victoire à la soviétique et dès au premier tour. Ses adversaires groggy et unis par l’amertume (le Fdr) remettaient sur le tapis  la controverse du fichier électoral dont ils avaient demandé l’audit mais sans succès. Et le patron de la Dge, d’enchaîner : «  le recensement devait être physique. Au lieu de cela, des agents de recensement ont fait le travail sur la base des listes de membres de famille. Des membres d’une famille qui se trouvaient, par exemple dans un pays étranger, ont été inscrits. Ajoutez à cela les erreurs de frappe ou de saisie des agents ». Sangaré a certes expliqué à Malikounda qui l’interviewait que lui et ses collègues avaient tout fait pour rendre le fichier meilleur.

Meilleur ne voulant pas dire bon et cinq années après, à la rencontre initiée entre le Parena et la société civile, le Colonel Tio Bagayoko, professionnel et franc, confirme toutes les difficultés à avoir un « fichier transparent » à partir des données du  recensement de 2001. Mais écoutons Siaka Sangaré une dernière fois sur les suspicions de fraude autour d’un fichier électoral dont il reconnut lui-même l’obésité dans un rapport classé confidentiel (pourquoi  une telle restriction dans une démocratie ?) « En 2002, il y avait 5 746 202 électeurs et on avait commandé 6 500 000 cartes. La différence était de 753 790 cartes. En 2007, le nombre de cartes commandées est 7 200 000, soit une différence de 315 473. Vous voyez que l’écart en 2007 est le plus faible quand on compare les chiffres ».

Le colonel ne comprend donc pas pourquoi le Fdr criait au scandale. Mais passons. Car le but du rappel n’est pas de remuer le couteau dans la plaie. Il est plutôt de faire des parallèles utiles entre les situations de 2001 et 2011, deux années qui précèdent une année non pas seulement d’élections mais d’alternance consacrée par la constitution, donc des moments majeurs de test pour tout projet démocratique. A pareil moment en 2001, le fichier électoral malgré ses imperfections avait le mérite d’exister.

A onze mois de l’échéance, nous sommes au stade du débat sur quel fichier électoral utiliser pour une présidentielle aussi sensible que celle de 2012. Le fichier biométrique dont il était attendu un fichier électoral biométrique, il y a trois ans et que le 22 septembre 2009, le président de la République lui-même a promis à la nation ? Le fichier électoral actuel qui n’a fait l’objet d’aucune révision annuelle depuis conformément aux textes de la République et qui de toute façon, traîne des boulets congénitaux qui rendent impossible un scrutin optimal ?  Le débat n’est pas tranché. La classe politique, dans sa majorité, veut le fichier biométrique et dans les délais constitutionnels. Il faut mettre les bouchées doubles pour y parvenir.

Et c’est vrai que si l’aide technique et financière de nos partenaires est obtenue et que nous mettons à contribution l’expertise de qualité que nous avons à l’Institut national de la Statistique, le pari peut être tenté. Mais la quadrature du cercle semble que, même s’ils ne le disent pas haut, les protagonistes semblent préférer l’aventure du fichier électoral amélioré au schéma du report du scrutin. Nous sommes dans un bel embarras. La fourmi (le président) n’a pas de formule magique et elle atteint ses limites. Les cigales (les partis), qui ont dormi tout l’hiver, se réveillent et découvrent l’ampleur du dégât. La seule baraka est que jamais le cocktail malitov n’a éclaté quand on le redoutait.  

Adam Thiam    

Le Républicain 29/04/2011