Trois des atouts suffisent pour que Cheik Modibo remplisse avec honneur et dans notre gratitude son contrat pour le Mali. Ce pays aujourd’hui amputé, divisé, anxieux et devenu la risée de pays qui, il y a peu, le jalousaient ou l’enviaient. Ce sont l’indépendance, la créativité et l’amour du travail. Pour les défauts, l’anecdote du marabout est invocable : un mari partit voir un jour un marabout pour obtenir le divorce d’avec sa femme qu’il accusait d’avoir « cent défauts ». Le marabout lui demanda de citer ces cent travers sous peine d’aller en enfer pour calomnie. Le plaignant commença ainsi : « premièrement, elle est simple d’esprit ». Et le marabout réagit immédiatement : « tu es dispensé de lister les quatre vingt dix neuf autres défauts ».
En reconduisant l’exercice pour le savant malien, on peut s’arrêter à un seul des défauts prêtés à son signe : « destructeur ». Inquiétant pour celui qui est venu reconstruire le pays et dont certains comportements inquiètent, en toute vérité. D’abord la liberté prise avec l’accord cadre qui lui donne toute sa légitimité. En mettant en place un gouvernement d’exclusion, malgré le CV et le parcours respectable de bien de ses ministres, le chef de l’Exécutif détruit sa propre légitimité qui se renforçait plus dans un attelage d’union nationale. Pire, il engage un jeu pervers qui, non seulement, le prive du concours inestimable de bien de nos compatriotes mis de côté non pas parce qu’ils sont médiocres mais parce qu’ils ont commis le sacrilège d’être d’un parti.
Dans cette banalisation, le Pm est même allé plus loin que le pouvoir sortant. Lequel, en dépit de discours orientés contre les « cadres partisans » durant la mandature 2002-2007 surtout, n’a jamais exclu la classe politique. Il a fait plutôt un dosage qui les neutralise ou s’est appuyé sur des partisans qui lui étaient plus acquis qu’à leurs partis. Les victimes de l’exclusion organisée ou validée par le Premier ministre ont accepté de bon cœur le verdict. Mais la mise à l’écart des partis qui peuvent bien avoir le vivier pour répondre à l’appel de sang neuf réduit la base de la transition qui a besoin de toutes les compétences et de toutes les valeurs. Surtout que Cheick Modibo Diarra n’a ni la légitimité technique -pas un seul jour dans l’administration malienne- ni la légitimité politique car il n’a mené aucun combat ni moral ni idéologique pour le compte de ce pays- qui le rendent éligible à son poste. De surcroît, il peut lui être opposé des propos antérieurs hostiles à la 3è République, de grosses exagérations sur la gouvernance de l’ère Udpm et son statut de promoteur d’un parti politique unipersonnel.
Autre faiblesse du Premier ministre, son discours sur le Nord-Mali notamment celui tenu aux élus de cette région et qui prévenait sur le coût élevé de la libération des zones sous occupation. D’abord, ce n’est pas vrai que le Mali paye pour cela. Ensuite nous pensons qu’il n’y a pas de prix pour reconquérir l’intégrité territoriale et la dignité d’une nation. Enfin pour tout le monde, il cherche à donner des gages à Kati, ce qui accrédite l’impression que la junte rôde toujours et fait de notre pays le principal sujet de discussion sur le continent et peut être au-delà. Indépendance donc un tel trait de caractère ne ferait aucun mal ni au Pm, ni au Mali ni à l’ex junte qui a concédé l’essentiel qui sait la patience du monde de plus en plus limitée vis à vis de la situation de notre pays. En vérité, chaque heure qui passe, chaque minute consacrée à l’apprentissage des procédures budgétaires ou du fonctionnement de l’administration publique constituent un temps vital pris au Mali de tous les dangers aujourd’hui.
L’Exécutif est tout en cette transition et le reste est très peu. Les piétinements ainsi que les atermoiements d’un temps rythmé par le gouvernement de résurrection conforteront l’idée que le Pm n’est pas le vrai détenteur du pouvoir. Pourtant le pouvoir ne peut pas ni ne doit être à Kati qui a cédé sur l’installation du président intérimaire et l’extension de son mandat en dépit du scandale du 21 mai. Le Pm a théoriquement tous les pouvoirs et il le sait. Ou il les prend ou il devient l’auteur du second putsch. En tout cas, son bilan d’étape ajoutée à une approche orgiaque de la caméra pousse bien de nos compatriotes à se demander s’il est l’homme du moment. Celui du Mali, rien que du Mali et seulement du Mali et qui ruine cette tragique devise imposée par nos nombrils : honni soit qui Mali pense !
Adam Thiam
Le Républicain Mali 09/06/2012