Et plus grave, si les choses en restaient là, il n’aurait guère été que la plateforme des troupes islamistes qui l’ont humilié ce 27 juin au cœur de son empire construit sur ses mythes mais surtout sur le sang et la souffrance de communautés-sœurs. On savait de ces pionniers de la renaissance touareg la puissance des cordes vocales, les compétences théâtrales ainsi que la sympathie des médias notamment français. On savait que l’obsession de Paris à faire libérer ses six otages qui n’auraient jamais dû être des otages, il faut en convenir, pouvait donner lieu à des partenariats hasardeux. Mais peu d’entre nous soupçonnaient que la ‘victimologie berbère’ porterait un jour des salafistes en embuscade.
C’est hélas chose faite. Le 27 juin, les ruines du Mnla à Gao ravivent les souvenirs des guerres-éclair de Menaka, Anderamboukane, Léré, du massacre d’Aguel Hock, de la grosse couleuvre de Tessalit, des camouflets synchronisés de Kidal, Gao, Tombouctou et Douentza. Le tout, à quelques encablures du 22 mars 2012, où de repli tactique en tactique, le chef de l’armée dut chercher son salut, faisant ouvrir pour le pays la boîte de Pandore. Près de cent jours après, on ne peut plus fermer les yeux sur quatre évidences criardes et une seule solution. Première évidence : Pour s’être débarrassé du Mnla, la coalition Aqmi, Mujao, Ansardine est la seule vraie force militaire au Nord du Mali à l’heure qu’il est.
Qu’elle soit une mafia narcoterroriste ou l’armée d’un jihad qui ne se limitera pas qu’aux régions septentrionales, elle n’est plus une nébuleuse mais un pouvoir à part, qui a pignon sur rue, qui a une puissance de feu et d’engagement inquiétants pour tout adversaire. Deuxième évidence : Bilal Ag Sherif apparemment transporté par hélico jusqu’à Ouaga n’est ni un héros africain ni un réfugié politique persécuté chez lui mais un fauteur de guerre et de trouble contre un pays membre de la Cedeao, de l’Union africaine et de l’Onu.
Blaise Compaoré aura encore plus de mal, après une médiation flinguée par bien de ses homologues, à prouver aux Maliens qu’il n’est que leur ami. Car troisième évidence, le Mnla l’a prouvé mercredi : il ne fait plus partie de la solution mais des problèmes du Nord. Par conséquent, une réorientation stratégique est nécessaire dans le cadre de la médiation pour le retour à l’intégrité territoriale du Mali. Quatrième évidence enfin : la déconfiture du Mnla, qu’elle soit provisoire ou définitive devra également influencer le discours du gouvernement malien qui ne cache pas sa préférence pour le dialogue. On suppose que c’est le dialogue avec le Mnla. Car avec les islamistes, il est très peu sûr que cette arme soit utilisable.
Quelle est donc l’unique solution ? Cent jours après Att, et vu les péripéties que nous vivons, il s’agit d’aimer encore plus le Mali, rien que le Mali et le Mali seulement. On croirait la recette facile. Mais elle ne l’est pas. Car c’est nous mêmes qui avons mis notre pays dans cet état piteux. C’est nous-mêmes qui faisons en sorte que le mois de ramadan qui s’annonce soit le plus difficile possible pour nos compatriotes de l’intérieur. C’est nous-mêmes qui faisons que ceux qui vivent à l’extérieur ne puissent regarder les autres dans les yeux.
C’est nous-mêmes qui creusons nos propres tombes. Alors que rien n’est irréversiblement perdu, que nous pouvons utiliser les faiblesses du moment pour fortifier le futur et que nous pouvons chacun renoncer à un morceau d’ego. Pour réentendre battre le cœur de la nation trahie, blessée, humiliée.
Adam Thiam
Le Republicain