Et Alpha Oumar Konaré parce qu’il a eu entre ses mains ce levier lui aussi mais surtout parce que comme on le voit dans certains pays où ses ex pairs sont redescendus dans l’arène, il peut être crédité d’avoir mis son capital d’autorité au- dessus de la mêlée. Certains lui reprochent cette tenue. Mais la retenue reste une valeur dans la culture locale du pouvoir et ce n’est pas sans dividendes pour le fortuné candidat qui reçoit ses faveurs.
Mais justement, Att et Aok soutiendront-ils publiquement un candidat ? Konaré aura moins de difficultés de se prévaloir de son statut de militant Adema -qui a toujours soutenu qu’il ne sera jamais un ancien militant- pour soutenir le candidat de son parti, Dioncounda Traoré qui fut souvent son joker dans les crises successives d’un parti tumultueux. Mais Konaré aura, à notre avis, certaines préventions pour faire pour le candidat de son parti ce que Rawlings a fait pour Atta Mills. Lesquelles ? Au-delà de l’emballage,
c’est le produit qui compte. Dioncounda Traoré, Ibrahim Boubakar Kéita, Soumaïla Cissé ou Modibo Sidibé -pour revenir à la formule du carré d’as que non sans raison, Soumana Sacko bat en brèche- sont l’émanation du parti et ou du pouvoir de l’hégémonique Adema d’antan. Et les possibles divergences du jour ne font pas moins d’eux du vin du même tonneau. La seconde prévention est qu’il y a, au-delà du carré d’as, des candidats –déclarés ou probables- qui appartiennent au mouvement démocratique, avec une légitimité incontestable, pour ne citer que Soumana Sacko lui-même, Tiebilé Dramé, Oumar Mariko et Mountaga Tall, malgré la cohabitation plus que heurtée que les deux derniers eurent avec la décennie Konaré. Troisième prévention : nous ne sommes pas en 1992 où le programme clairement décliné était la bataille pour le Mali des démocrates contre celui des restaurateurs. Le temps, les enjeux, les épreuves et hélas le ventre aussi ont brassé les valeurs et réduit les différences.
L’Adema de 2012 aurait, peut-être dû, à l’heure actuelle, avoir précisé sa nouvelle mission historique, remobilisé sur les lignes de fracture du mouvement démocratique originel ou de ruptures qui menacent le projet démocratique tout court. Elle ne peut pas convaincre le grand large en reconduisant en 2012 sa tchatche de 1992. Or qui connaît Konaré sait du coup le poids qu’a pour lui l’enjeu. Surtout qu’il se souciera – combinaison de travers d’historien, d’inhibition d’ancien chef d’Etat et d’intuition animale de l’opportunité- d’éviter qu’on ne lui « canarde pas son poulain » et ou de mettre son successeur Att dans l’embarras en exprimant, lui, son choix. Est-ce à dire que le président Touré ne claironnera pas son choix ? D’abord, le tacticien qu’il est n’est ni l’homme du combat frontal ni celui du soutien bruyant qui font fuir la cible. Ensuite, il lui faut bien être cohérent avec sa propre trajectoire et sa formule « retrouver ce qui nous unit ».
Elle était valable en 2002, année de périls postélectoraux que la personnalité du président a su conjurer. Et en 2012, la formule reste tout aussi valable. Att le sait, son soutien public pour un candidat sera considéré par tous les autres comme leur rejet. Or, si son apport propre a été décisif dans la convivialité de l’espace politique, il ne pourra pas oublier la part des partis. Tous les grands partis de la place et même les bien moins grands l’auront soutenu, soit en 2002, soit en 2007, dans l’expérience unique que fut le consensus à la malienne. Ni le Rpm la majorité relative d’antan ni l’Adema, celle du jour, n’a tenu à aller contre lui dans le projet de se tailler une majorité absolue pour l’obliger à présider au lieu de gouverner.
Cela ne s’oublie pas. Enfin, quand un président n’est d’aucun parti, le voyant sécuritaire devient le déterminant. Sur ce plan également, Att sait qu’aucun des ténors élus n’irait lui chercher des poux dans la tête. Mais, attention, il ne faut pas en déduire que 2012 ne fait ni chaud ni froid à Touré et Konaré. Ils doivent avoir, chacun ou ensemble, leur favori caché. Nous ne le saurons qu’au second tour, s’il y a le type de danger du genre Chirac-Le Pen. Sinon, ce sera encore du travail pour les historiens. Mais déjà qu’en juin 2012, le pays puisse compter trois anciens présidents, dont deux aux termes des limites constitutionnelles, est un bon indicateur en démocratie.
Adam Thiam
Le Républicain 11/11/2011