Des Marines américains transportent un blessé dans la province de Helmand en Afghanistan le 31 octobre 2011 / © AFP/Archives / Behrouz MEHRI
Quinze ans de guerre en Afghanistan ont nettement amélioré les soins d’urgence apportés aux blessés militaires — par exemple une généralisation de l’usage du garrot sur le champ de bataille.
Depuis l’invasion américaine de 2001, les armées occidentales ont adapté leur procédures durant la fameuse « Golden Hour », l’heure qui suit l’impact, aux particularités du conflit, et les ont enseignées aux forces afghanes qu’elles entraînent.
« Les principaux changements dans le type de blessures en Afghanistan résultent de la combinaison des explosions et des gilets de protection, qui fait que la tête et les extrémités sont les plus exposées », indique à l’AFP le colonel Robert Suter, chirurgien américain basé au Qatar.
– Garrot d’une main –
Il cite quelques procédures simples qui ont révolutionné les soins sur le champ de bataille: la capacité « à poser un garrot d’une seule main » pour arrêter une hémorragie artérielle, les transfusions de sang total (avec tous ses constituants) et de plaquettes, ou l’identification rapide d’une commotion cérébrale, suivie du retrait immédiat du soldat.
« Certains outils comme le garrot de combat, les seringues pour vaisseaux intra-osseux, les outils de détection des commotions ou les conteneurs de sang +Golden Hour+ », sont désormais acheminés directement sur la ligne de front, explique-t-il.
« La plupart des unités afghanes en disposent et sont formées à leur utilisation ».
Pour l’officier, « la principale leçon tirée d’Afghanistan, c’est que des pratiques simples appliquées rapidement – stopper une hémorragie, libérer les voies respiratoires et transfuser – sauvent généralement la vie et nous donnent du temps pour des interventions plus complexes ».
« Le temps, c’est la différence entre la vie et la mort », renchérit le Dr Gianluca Polce, chirurgien orthopédiste de la région ouest pour l’Otan en Afghanistan.
Outre la « Golden Hour », les armées engagées sous bannière de l’Otan ont pour objectif que les blessés soient opérés dans les deux heures, selon la doctrine « 10.1.2 »: 10 minutes pour l’intervention vitale, une heure pour les premiers soins d’urgence, deux au plus jusqu’à la première intervention chirurgicale.
De la théorie à la pratique, « il faut prendre en compte les conditions d’intervention sur le terrain » reprend le Dr Polce: « Dix minutes, c’est piégeux quand vous êtes sous le feu ».
« Ces protocoles sont essentiels quand on parle de chirurgie de guerre », relève cependant Stephanie Buffett, conseillère médicale de Resolute Support, l’opération de l’Otan en Afghanistan. Elle insiste elle aussi sur l’adoption du garrot par l’armée afghane.
« A mon premier séjour en 2005-2007 personne n’en avait, » se souvient-elle. Désormais, les Américains les portent sur eux, parfois intégrés aux jambes du pantalon.
Un soldat américain blessé le 13 octobre 2012 sur la base de Baraki Barak en Afghanistan / © AFP/Archives / Munir UZ ZAMAN
« Toutes leurs forces ont leur +Afak+ » – Afghan aid first kit, sourit-elle.
Au cours de l’hiver, profitant de la relative accalmie dans les combats dans le pays, ses équipes ont continué de former « plusieurs milliers de soldats et policiers afghans aux premiers soins d’urgence, pour gagner du temps et survivre ».
Le sens de l’urgence
« Le but était de leur inculquer ce sens de l’urgence. Que chaque soldat sache comment il peut sauver une vie », juge-t-elle.
De leur côté, les jeunes forces aériennes afghanes se sont également entraînées à l’évacuation des blessés militaires.
En 2016, pour la première fois, elles ont évacué environ 9.000 blessés, indique-t-elle.
L’expérience des armées reste cependant mal partagée avec les civils afghans, notamment pour ce qui est de l’urgence. Après 15 ans de conflit, « la principale différence entre un blessé militaire et un civil, c’est le garrot », pointe Mme Buffet.
A l’hôpital Emergency de Kaboul, qui ne reçoit que des blessés de guerre, civils et belligérants de tous bords victimes de balles, mines ou explosions, le Dr Abdushukoor Sardar vient de recevoir un homme blessé depuis 12 jours. « Il arrive du Nord avec une balle dans la poitrine. Son poumon était totalement nécrosé », raconte-t-il.
« Une fois qu’ils sont ici, ils sont traités dans les 10 à 15 minutes. Mais certains arrivent 20 heures, une semaine après la blessure », faute de structures adéquates dans les campagnes.
Au retrait de la majorité des troupes occidentales fin 2014, plus de 3.500 soldats étrangers avaient été tués et environ 33.000 blessés (dont 20.000 Américains), selon le Pentagone.
Les forces afghanes ont perdu en 2016 plus de 6.800 soldats et policiers.
Quant aux pertes civiles, dont on ignore le nombre de 2001 à 2005, elles sont estimées depuis cette date à plus de 20.000 morts – dont plus de 11.500 morts et blessés en 2016.