Tout est cher : c’est le mot qui revient le plus quand il s’agit d’évoquer la situation alimentaire dans les foyers. La période de soudure bat son plein et ses effets se font sentir. Et pourtant, malgré que ce soit maintenant leur saison, les fruits ne sont pasà la portée de nombreux ménages. Si les consommateurs se plaignent de leur cherté, les vendeurs de fruits (grossistes) des marchés de Médine et de N’Golonina disent qu’ilsn’arrivent plus à tirer de leur commerce les revenus souhaités.
«Les fruits sont très utiles à notre organisme. Malheureusement, dans notre pays, ils sont de plus en plus hors de la portée de nombreux foyers, notamment à Bamako et dans certains centres urbains du pays à cause de leur cherté», se plaint Madou Dembélé, un meunier de Sébéninkoro, en commune IV du district de Bamako.
«Un citron à 100 F Cfa ! Où est-ce qu’on va dans ce pays ? Ce ne sont pas des vergers et des fermes de production qui manquent pourtant au Mali. Les quantités de mangue, d’orange, de papaye… qui pourrissent dans les vergers son inimaginables», déplore Ami Diané, une jeune ménagère du Badialan (commune III de Bamako).
«Au moins ici, personne ne peut indexer IBK où le gouvernement. Le problème est que le Malien est devenu si cupide qu’il est prêt à aller en enfer s’il peut y faire des profits. Chaque commerçant, grossiste ou détaillant, veut avoir au moins l’équivalent du prix d’achat comme bénéfice. Certes, il y a une part de responsabilité de nos dirigeants dans la galère actuelle des Maliens, mais les vrais responsables ce sont nous-mêmes, notre cupidité qui nous pousse toujours à exploiter le malheur des autres pour s’enrichir», dénonce M. Dembélé.
Au niveau du marché de N’Golonina (Namassa-Danka/Quai de la banane), tout est calme le jour de notre passage. Les vendeurs sont devant leurs marchandises composées d’oranges, de mandarines, de pastèques, de melons … Mais, en face, très peu d’acheteurs. Vendeuse de fruits à N’Golonina, Biya Soumaré se plaint de la «timidité» des clients ces derniers temps. Et cela malgré que les prix n’aient pas sensiblement augmenté. «Actuellement nous n’avons pas de clients. Avant, mes marchandises qui venaient du Sénégal du Maroc ne faisaient même pas cinq jours sans être achetés. Mais, aujourd’hui, ce n’est plus le cas alors que les prix sont restés les mêmes. Je vends toujours le kilogramme du melon à 1000 F Cfa et aussi celui de la mandarine à 400 F Cfa», explique-t-elle.
Cette situation n’est pas sans conséquence car les fruits peuvent pourrir causant des pertes financières conséquentes. «Nous sommes confrontés à cette difficulté depuis longtemps. Si les clients ne viennent pas, ce sera une perte énorme pour nous car certains fruits ne peuvent pas faire deux jours. Et aussi tout le monde sait que la situation financière n’est pas facile», a affirmé Biya Soumaré en montrant un panier d’oranges désormais impropres à la consommation. «Ce panier est là depuis la semaine dernière alors que dans le temps mes marchandises s’écoulaient en seulement quelques jours», précise la vendeuse.
C’est presque le même calvaire que vivent les grossistes au marché de Médine ou «Sougounin-koura». Sauf qu’ici, à la différence du «Namassa-Danka», les grossistes sont dispersés partout et les prix y ont connu une relative hausse justifiant l’absence des clients. «L’augmentation du prix des fruits est provoquée par les producteurs locaux. S’ils augmentent à leur niveau, nous sommes obligés de répercuter cela sur nos prix. En ce moment, ils nous vendent le kilo de mandarine entre 400 et 500 F Cfa. Nous sommes contraints alors de vendre la même quantité à 500 ou 600 F Cfa», a expliqué Souleymane Dembélé, vendeur-grossiste d’oranges, de bananes et de mandarines.
Investir plus que la dépense quotidienne pour consommer des fruits
Pour qu’il n’y ait pas de perte, les vendeurs partent vers les clients tout en employant des aide-ménagères ou leurs enfants. «Ces fruits ont une durée de conservation déterminée. Ainsi, pour éviter les pertes, nous sommes obligés d’aller aux clients en vendant en détail».
Les consommateurs rencontrés dans ces deux marchés pensent en général que les fruits sont trop chers. «Si je dois offrir un fruit à tous les membres de ma famille, je dois débourser au moins le double du prix de popote donné à Madame à la maison», se plaint Salif, un infirmier.
«Pratiquement, j’achète chaque jour les fruits pour ma famille à la descende du travail. J’achète généralement de la banane, des oranges et du melon. Mais, à cause de la hausse des prix, je ne pourrai pas acheter comme avant car ma situation financière n’est pas du tout favorable», indique M. Doucouré Oumar, chef de famille résidant à l’Hippodrome 2.
En plus de la cherté, certains consommateurs se plaignent aussi de la qualité des fruits bourrés d’engrais. «Je n’achète pas les fruits ces temps-ci car les jardiniers et fermiers font tout pour que leurs produits puissent murir tôt afin de les vendre rapidement», déplore une consommatrice.
Il faut aussi rappeler que le Covid-19 pèse beaucoup sur la vente des fruits avec la fermeture des hôtels, des restaurants et d’autres espaces de loisirs qui sont de gros clients.
Une concertation est en tout cas indispensable entre l’Etat, les producteurs, les vendeurs et les consommateurs afin de baliser les meilleurs schémas d’approvisionnement de la capitale avec la production nationale abondante mais peu valorisée. Pour de nombreux Maliens, c’est une honte que le Mali importe certains fruits (oranges, citrons, banane, mandarines, melon…) avec ses immenses potentialités.
Abdoulaye Cissé
Stagiaire (Le Matin)