CHEICK OUMAR SISSOKO : «Merci Victor pour cette voie de dignité, d’amour pour la patrie et de courage qui ont donné un sens à la vie de tant de tant de Maliens»  

 

Le 26 Mars a couronné le long combat de cet homme contre Moussa Traoré et son régime qu’il abhorrait. Il les a combattu ; lui et ses compagnons du CMLN, dès les premières heures de leur pouvoir dictatorial. Il les a bravés à découvert, fustigeant en tout lieu et toute heure, leur politique, leurs actes. La peur s’installait dans tout le pays. Victor lui n’avait pas peur.

Professeur de sciences physiques au lycée de Badalabougou, il aimait disserter avec ses élèves, sur la situation politique nationale et internationale, les enjeux en cours, les raisons du coup d’état contre  Modibo Kéita dont il était un ardent défenseur. Membre de la JUS-RDA, il n’a jamais accepté cet acte de forfaiture qu’il dénonçait violemment partout, à telle enseigne qu’il était appréhendé par la police à  chaque mouvement de contestation.

Un tract était-il lancé, une marche était-elle faite, des propos ou des critiques étaient ils tenus contre le CMLN, Victor était le premier à en faire les frais. Il était aussitôt recherché,  arrêté,  battu, torturé et envoyé au Camp des parachutistes de Djicoroni ou loin dans les prisons du désert saharien. Rien n’y fait. L’homme ne s’est jamais tu. Il ne s’est jamais caché, il n’a jamais tenté de s’enfuir. Une fois libéré,  il récidivait dans des dénonciations d’actes posés par ses tortionnaires.

Cet homme avait accepté le sacrifice de lui-même pour l’éveil  de la conscience du peuple qu’il voulait voir s’assumer, prendre son destin en main et se battre. Son combat était pour l’US-RDA, la démocratie et la souveraineté du peuple. Dommage qu’il n’ait pas accepté de prendre le leadership d’un mouvement. Il a choisi d’être un électron libre depuis ce coup d’Etat du 19 novembre 1968…

C’est Victor qui méritait le qualificatif d’imperturbable, de patriote sincère et convaincu, de guide, de guerrier… C’est une légende qui nous quitte. Mais comme toute légende, elle demeurera éternelle nous rappelant à son souvenir dans les moments troubles de pouvoir ou de domination inacceptable.

Je l’ai rencontré pour la première fois le  vendredi 9 janvier 1988 à Dakar (Sénégal). C’était au cours d’un dîner que j’avais fait organiser dans un restaurant par mon ami Malick Bathily. Je me rappelle de tous les détails de cette soirée à cause des enseignements politiques, organisationnels livrés par l’homme à qui j’apportais le travail de la société civile au pays et bien sûr de l’organisation clandestine à laquelle j’appartenais au pays. Dans son exil forcé au Sénégal, il ne vivait, ne pensait que pour le Mali. Ce soir, il nous ​ a ​​prévenu contre certaines dérives, certaines alliances pour éviter des échecs douloureux à la lutte de notre peuple. Ces craintes​,​ hélas​,​ se sont avérées justes. Elles expliquent le dérapage que nous connaissons depuis 30 ans.

Merci Victor pour cette voie de dignité, d’amour pour la patrie, de courage qui ont marqué ​et ​façonné ta vie, tes relations et qui ont donné un sens à la vie de tant de jeunes, de tant de Maliens.

Que la terre te soit légère !