Il y a exactement 2 ans, 1 mois et 2 jours que nous avions dénoncé le favoritisme, l’amateurisme et l’affairisme dans la hiérarchie de nos courageuses Forces Armées du Mali. Sous le titre : « Mots mordants maux : Bonne année et surtout bonne armée en 2014 », cet article avait pointé du doigt le mal contagieux qui mine nos Forces Armées par ricochet notre souveraineté nationale.
Très brièvement, quelques extraits à relire « Dans ce contexte de précarité sécuritaire, on ne saura avoir une bonne année sans être bien protégé par une bonne Armée. Il faut donc, par tous les moyens, que le Mali récupère entièrement Kidal, sa huitième région, bien avant la mort de 2014 le 31 décembre prochain… La plupart des hauts gradés des corps armés surtout des généraux, souvent plus actifs dans le monde des affaires, n’entretiennent presque plus de relations avec leurs subalternes… L’Armée malienne doit être moralement et matériellement dépolitisée, redressée et renforcée. ». C’était, le 1er janvier 2014.
Aujourd’hui, mercredi 03 février 2016, le constat est encore plus amer. Depuis quelques mois, les ennuyeuses hésitations et les boiteuses improvisations au niveau de la haute hiérarchie des forces armées suscitent de nombreuses frustrations dans le monde des porteurs d’uniformes. Cette situation délétère s’est aggravée après la déroute totale de l’Armée malienne lors des sanglantes batailles de Kidal des 17 et 21 mai 2014 contre les rebelles qui, au-delà des militaires, ont tué plusieurs civils. Cette débâcle a provoqué la démission forcée, le 27 mai, de Soumeylou Boubeye Maiga, ministre de la Défense d’alors.
Des sources bien introduites précisent que le chef d’état major général des armées, le général Mahamane Touré, désapprouvé par une bonne partie des troupes, avait aussi donné sa démission, le 29 mai 2014, au président de la république, chef suprême des armées. Le Général TOURE a commencé à exercer cette chefferie en remplaçant le général Ibrahim Dahirou Dembélé, suite à une cérémonie de passation tenue le vendredi 22 novembre 2013 sur la place d’armes du camp Soundjata Keita de Kati.
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Le Chef Suprême des Armées, qui venait d’enregistrer le départ du ministre de la Défense nationale, a été indulgent envers le général Touré en le maintenant à son poste. Depuis le 31 décembre 2015, officiellement, les Forces armées maliennes n’ont pas de chef d’état major général des armées. Car, le nom du général Mahamane Touré a été trouvé sur la liste des porteurs d’uniforme mis à la retraite à compter du 31 décembre dernier. Mais, ce porteur de galons de général depuis le 1er octobre 2010, subitement devenu très amoureux de son poste de commandement, n’entend plus quitter facilement les lieux. Pourquoi ce chef d’état major Touré est contesté par une majorité de ses subalternes ? Comment et pourquoi tente t-il d’obtenir une prolongation de sa mission ?
L’Armée malienne est encore en guerre. Cela, malgré la signature du fameux Accord d’Alger 2015 qui n’a pu empêcher la tuerie, chaque semaine, de militaires ou de civils sur le territoire national. Une guerre asymétrique contre des rebelles parfois très difficile à distinguer de la population civile. Dans de telles situations conflictuelles, selon un sous-officier « ce poste si important de chef d’etat major des armées ne doit être occupé que par un officier de terrain. Malheureusement, notre chef actuel, n’est qu’un général de bureau qui a été toujours éloigné des réalités des zones de combat », a-t-il affirmé sous anonymat.
Un autre militaire, appelé communément soldat de rang ou « Lakourou » en langue bambara, n’a pas hésité de commenter : « En cette dure période, notre Armée qui est obligée d’être souvent sur le théâtre des affrontements sporadiques, n’a pas besoin d’avoir à sa tête des chefs retraités n’ayant ni santé physique adéquate ni expérience. Tout simplement, l’actuel chef d’état major général, ce général Mahamane Touré, n’a pas la compétence requise pour son poste. Par sa désinvolture, il ne fait que reculer les forces armées et de sécurité », a-t-il dit sans tournures.
Selon plusieurs de nos interlocuteurs dans le milieu des hommes en uniforme, le général Touré qui est à la retraite depuis plus d’un mois, au lieu de laisser son adjoint travailler à sa place, avant la nomination de son remplaçant, espérerait sur une mesure spéciale lui accordant une année supplémentaire. Pour ce faire, il n’a pas hésité, ces derniers temps, de se rabaisser en se liant d’« amitié » avec l’influent fiston national du président, racontent ceux qui le voient courir derrière Karim Keita pour faire prospérer ses propres affaires.
Dans cette situation d’incertitude, sur presque tous les plans, que le Mali tente de traverser, relater les sentiments de frustration surtout du milieu des forces armées, est un devoir. Dans ce cas, le chef suprême des armées devrait tenir compte des réalités de cette période de crise pour vite nommer un nouveau chef d’état major général des armées pour mettre fin à cette confusion. Car, avant-hier dimanche 31 janvier, la télévision nationale montrait le général retraité dans sa revue des troupes en compagnie de son ministre de la défense.
Généralement, l’Armée est considérée comme la grande muette. Quand une muette commence à murmurer puis à parler, cela veut dire que ça ne sent pas bon. Il faut agir vite et bien pour éclaircir les choses. Ce qui est sûr, l’Armée malienne a en son sein des hommes et des femmes officiers et sous officiers compétents et conséquents capables de bien servir le Mali. A suivre…
Lacine Diawara