Les Assises de l’occupation ont été un réel succès et installé pour de bon la Coalition pour le Mali au point de convergence de tout processus réaliste de résolution de la crise au Nord de notre pays. En effet, le regroupement de bonnes volontés dirigé par Gabouné Kéita et Tiébilé Dramé a réussi ce qu’aucun autre n’avait jamais pensé à faire jusqu’à aujourd’hui, donner la parole aux populations soumises au joug des séparatistes et autres salafistes, Maliens comme étrangers.
S’il est une vérité qui a été démontrée lors de ces travaux, c’est que, trop souvent au Mali, nous préférons faire compliqué lorsque c’est simple. La démarche de faire appel aux témoignages était on ne peut plus évidente, mais elle a manifestement plutôt crevé l’œil de nombre de négociateurs, facilitateurs ou analystes autoproclamés. Autre vérité, largement plus dérangeante, à tirer des Assises de l’occupation, l’absence tonitruante des plus hautes autorités du pays dans la salle, où se bousculaient pourtant diplomates accrédités dans notre pays, représentants d’organismes de coopération bilatérale et multilatérale ou d’agences onusiennes et membres de la presse, nationale et internationale, comme si elles estimaient être déjà «suffisamment informées».
C’est dans ce contexte qu’est intervenu le Représentant spécial de la CEDEAO au Mali, Cheaka Aboudou Touré, qui a été invité par les organisateurs à prendre la parole lors de la cérémonie de clôture. Ce fut un moment sans langue de bois, hautement pédagogique et très instructif. Après avoir rappelé la genèse de la révision du Traité de la CEDEAO en 1993, pour passer de «la CEDEAO des Etats à celle des peuples», après nombre de processus de prise de pouvoir par la force, il ironisera: «si les coups d’Etat permettaient de se développer, l’Afrique serait une superpuissance!».
M. Touré, visiblement agacé par des interpellations de la CEDEAO à travers sa personne, qu’il juge non fondées, a tenu à mettre les points sur les i. Tout d’abord, il demandera aux détracteurs de l’organisation sous régionale de bien relire le mandat confié au Médiateur. Car, si négociation il doit y avoir avec les groupes armés, il ne faut pas oublier que deux points sont non négociables: l’intégrité territoriale du Mali et la laïcité garantie par notre Constitution. Conclusion: «Pas d’amalgames. Il y a des gens avec lesquels le dialogue n’est pas possible, car ses conditions ne sont pas réunies».
Cheaka Touré affirmera aussi, dans le même ordre d’idées, qu’il n’existe à ce jour aucun document faisant état de la mobilisation éventuelle de 3 300 hommes pour faire partie de la MICEMA. «La solidarité de la CEDEAO est un devoir moral pour ses Etats membres et un droit légitime pour le Mali, dès lors que nous avons tous opté pour une mutualisation de nos moyens pour une sortie honorable et durable de la crise».
«La CEDEAO n’est pas une machine de guerre», martèlera M. Touré, mais un instrument d’intégration politique, économique, social et culturel. Et d’ajouter qu’il ne fallait pas se voiler la face et fuir les réalités. «Pour résoudre la crise actuelle, mes frères et sœurs maliens doivent impérativement éviter de rester dans la diversion, envisager une gestion stratégique de la crise et assurer un leadership unifié, car nous avons déjà perdu trop de temps». Voilà qui a le mérite d’être clair et cousu de bon sens et de franchise!
Pour Cheaka A. Touré, le Mali doit mettre en place, comme le lui ont recommandé les Chefs d’Etat de la CEDEAO, une cellule de gestion de crise au niveau national et s’atteler désormais à atténuer la mauvaise image qu’il donne au plan international, à cause notamment d’une absence d’un leadership fort et unifié à la tête de l’Etat. «La CDEAO, c’est le Mali, et le Mali, c’est la CEDEAO» rappellera-t-il, ajoutant «il n’y a aucune autre organisation régionale africaine qui peut se targuer d’avoir réussi ses interventions dans un Etat membre au moins une dizaine de fois».
Venu participer aux Assises, comme il le dira «pour écouter, apprendre, comprendre et mieux s’ajuster » le Représentant spécial de la CEDEAO les a qualifiées de «moment historique dans le processus de gestion de crise au Mali».
Comme pour le paraphraser, Tiébilé Dramé, 1er Vice-Président de la Coalition pour le Mali, en mettant fin à la rencontre, la présentera comme le début du processus de définition «d’une stratégie malienne, d’un plan malien, fondés sur un large consensus des parties prenantes nationales» afin que, sans exclusive ni exclusion, les Maliens prennent réellement conscience de la nécessité pour eux de «prendre le contrôle du processus de résolution de la crise» sous toutes ses formes.
«Il n’y a pas eu d’accord sur toutes les questions, mais il y a des accords sur des questions importantes. Nous venons de faire le procès de l’occupation. C’est une source de profonde humiliation pour notre peuple, de négation des libertés individuelles et collectives et de privation des droits humains. Il faut y mettre fin au plus vite» conclura Tiébilé Dramé, en rappelant qu’un large consensus avait quand même été trouvé.
En effet, malgré les divergences sur les moyens à privilégier en première instance pour mettre fin à l’occupation des 2/3 de notre territoire, la majeure partie des participants aux Assises de l’occupation est convaincue que, si le dialogue ne marche pas, l’action armée sera inévitable. D’où les appels lancés à la CEDEAO, à l’UA, à l’ONU et à la célébrissime nébuleuse appelée «Communauté internationale».
Ramata Diaouré
Le 22 Septembre 08/10/2012