Ils étaient entre 60 et 90 policiers constituant en tout cas deux sections, à bord de camions. Destination : bourse travail, apparemment non armés, mais en réalité bien armés. Mission : terroriser les responsables et militants de l’Untm, laisser pantois les officiels et empêcher le défilé des travailleurs ce jour de fête du travail, mettre en échec le Secrétaire général de l’Untm et humilier tous ceux qui se mettraient en travers de ce projet pour s’y opposer.
L’objectif était d’aller encore plus loin si d’aventure ils se butent à une interposition de policiers pro-assurance maladie obligatoire. Explication : les policiers sur pied de guerre sont ceux qui ne sont pas d’accord avec le projet et ils sont des éléments « affiliés » à Niamé Kéita. En revanche, les policiers pro-assurance maladie obligatoire sont considérés comme des amis du ministre Sadio Gassama. Jusqu’où pouvait nous conduire une telle situation qui avait pourtant connu un début d’embrasement ce jour à la bourse du travail ?
Selon nos sources, lorsqu’ils ont débarqué à la bourse du travail, des syndicalistes présents ont essuyé des injures de leurs parents de la part de policiers anti-assurance maladie obligatoire, déchainés. Siaka Diakité a été violenté et il y a eu une tentative de retirer la clé d’un bureau au secrétaire général du syndicat de la protection civile.
Après, ces hommes de Niamé valant deux sections sont venus se glisser dans le défilé apostrophant les officiels installés à la tribune de la cérémonie. Ils ont déchiré les banderoles et cassé les pancartes des mains de leurs porteurs. Ce qui a fait dire à Siaka Diakité : «notre République est gravement menacée… la démocratie désormais fragilisée». Grâce à l’implication et le sens élevé de la sécurité de certains syndicalistes qu’on a vu faire la navette entre le ministre à la loge officielle et le lieu où se trouvait le foyer de tension, le pire a été évité. Depuis longtemps rien n’allait plus entre le Directeur général de la Police nationale, l’Inspecteur Général Niamé Kéita et le ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile, le Général Sadio Gassama dont il relève.
Les deux hommes ne se parleraient plus et cette situation avait eu comme conséquence l’existence de presque deux polices : celle qui prend ses ordres avec le ministre et celle qui ne répond que du Directeur Général de la police. Ce qui était longtemps resté un secret de Polichinelle venait de s’exposer sur la place publique devant des milliers de personnes et une dizaine de ministres de la République. Sadio Gassama ne pourra pas se limiter à ces larmes qu’il n’a pu retenir lorsqu’il a, étant à la tribune, appelé sur le champ Niamé Kéita pour l’apostropher : « donc vous avez envoyé vos hommes sur le terrain ?!!». Il raccroche son téléphone et le reste se géra à Koulouba où il fera trois va et vient un de ces jours.
ATT rechignait-il à révoquer le Directeur général de la Police qui a si longtemps résisté, sans plier aux vagues de courroux de son ministre ? Vraisemblablement, le Général Sadio Gassama a mis dans la balance non pas seulement le grade, mais le choix pour ATT, entre lui et le Directeur qui relève de lui et qui fait tout le contraire de qu’il lui ordonne. Selon nos informations, la démission du ministre était prête lorsqu’il est monté pour la dernière fois. L’Inspecteur général Niamé Kéita est donc limogé et il traine dans son sillage le Directeur général de la Gendarmerie et le Chef d’Etat major de la Garde nationale.
Force reste à la hiérarchie. Selon nos sources, tous les éléments à la tête de l’insurrection du 1er mai à la bourse du travail observeront des sanctions et seront traduits en conseil de discipline, seul gage pour éviter leur radiation du corps. Quant à Niamé Kéita qui est à quelque mois de la retraite, va-t-il se consacrer enfin à la culture de son champ ? Selon nos informations, des responsables syndicaux favorables à Niamé Kéita ont pris le large, nombreux d’entre eux étant présentement à l’intérieur du pays. Quant à l’Untm, son Secrétaire général Siaka Diakité, aux dernières nouvelles, brandissait encore son préavis de grève de 24 heures, si des sanctions exemplaires ne sont pas prises. Se contentera-t-il du limogeage de trois autorités de la sécurité intérieure et de la Protection civile ? Wait and see.
B. Daou
Le Républicain 16/05/2011