Un léger parfum de guerre froide flotte en ce moment dans le monde. Outre l’Ukraine qui est devenue un enjeu géopolitique majeure entre la Russie et l’Occident, le Mali lui, aurait fait le choix résolu de l’ex URSS. Et pour cause, Barkhane accélère son départ du pays, et la présence de Wagner ne fait plus aucun doute sans oublier le fait que la ligne militaire Bamako-Moscou s’est rarement aussi bien portée. Le pays est-il pour autant épargné d’un scénario à l’Ukraine ? A-t-il fait le bon choix de couper les liens aussi radicalement avec la France sur le plan militaire ? Dans tous les cas, comme on le dit, le thé est prêt ! Il faut le boire, qu’il soit chaud bouillant ou très peu sucré.
Après un tel « coup d’éclat » largement salué par la masse populaire, les autorités de la Transition devront assumer. Le départ de Barkhane acté, elles semblent avoir comme plan de largement miser sur la Russie, alliée de première heure du Mali du président Modibo Keita. Quoi de plus normal, diront certains, puisque nombre des officiers au pouvoir ont été formés au pays de Vladimir Poutine. Toutefois, il n’est pas exclu que la Russie leur ait donnée de fortes garanties quant à la sécurisation du pays. Ce qui justifierait l’audace avec laquelle les autorités de la Transition critiquent la France.
Egalement, le Mali serait devenu un pion de choix sur l’échiquier international au profit de la Russie. Elle qui, durant la période contemporaine, n’a eu de cesse de s’opposer à l’influence occidentale à travers le monde. L’aubaine était trop belle pour Poutine pour ne pas en profiter. Ainsi, il ouvre un boulevard d’opportunités pour son pays dans la région du Sahel. Des opportunités qui pourraient même déboucher sur des terrains autres que militaire.
Du côté de la France, la pilule est dure à avaler puisqu’elle voit s’échapper un terrain d’une si grande importance sur le plan géostratégique au profit du grand rival de l’Est. Avait-elle entretenu le spectre de l’enlisement de la lutte contre le terrorisme dans le dessein inavoué de jouir grassement des immenses richesses du grand nord malien ? Peut-être avait-elle pensé que le Mali, et au-delà le Sahel, était un acquis géostratégique ?
Le Mali est-il en train de bousculer dans le bloc de l’Est ?
Il y a la Russie qui fait son grand retour militaire au Mali, mais il est aussi fort probable qu’un autre grand pays opposant à l’Occident, puisse profiter de la situation afin de gagner encore plus de parts de marchés sur le terrain. Il s’agit de la Chine qui est déjà fortement implantée sur le continent, et qui pourrait saisir l’occasion inouïe de ravir des business qui, de longues dates, étaient des marchés acquis par des intérêts français. Cette dernière n’étant plus désirée.
Le départ de Barkhane dépasse largement donc le seul cadre militaire. Sur le plan géopolitique, il pourrait être le début d’une reconfiguration de l’échiquier politique mondial notamment dans la zone du Sahel.
Se mettre à hauteur du défi
Evidemment, l’idéal est que l’appareil sécuritaire malien soit à la hauteur du défi qu’il doit relever. Il ne faudrait point s’endormir sur ses lauriers pensant que l’autre ferait le job à la place du titulaire du travail, fut-il mieux armé. Les bonnes intentions entre Etats n’existent point et il est plus que probable que la note de la présence de sociétés privés russes sur le sol malien soit salée. D’ores et déjà, il semblerait que leur présence soit limitée dans le temps, ce qui est une bonne chose. Cependant, les craintes qu’il y ait des victimes collatérales sur le terrain sont légitimes. Un Etat, fut-il si démuni face au péril terroriste ne doit sous-traiter sa sécurité avec des mercenaires. Par contre, par le biais d’accord militaire bilatérale, ceci est de son plein droit. Et là encore, les retombées seraient juteuses pour la Russie. Toutefois, elles seraient surtout politiques et diplomatiques. Pour la Russie de Vladimir Poutine, voir les occidentaux contrariés sur le plan international est extrêmement jouissif.
Pour le reste, il est à espérer que les autorités de la Transition aient fait le bon choix et qu’il soit la résultante d’une politique étrangère murement réfléchie. Cela, afin d’éviter au pays une autre catastrophe. Que la Russie ne lâche point également le pays en plein vol qu’à Dieu ne plaise, une fois qu’elle aurait eu ce qu’elle chercherait. Plutôt, qu’elle tire la leçon de l’échec retentissant de la présence militaire française au Mali et dans la zone. Qu’elle évite de se tirer une balle dans le pied en flirtant avec une quasi duplicité et qu’elle prenne le parti intégral du peuple malien. Pour le reste, ça peut se négocier. Quant à la France, elle paie là les conséquences d’une stratégie diplomatique et militaire totalement incompréhensible et surtout, en totale inadéquation avec le statut d’un pays qu’elle espère toujours être durant longtemps, une des grandes super puissances mondiales.
Ahmed M. Thiam
Source: l’Alternance