Célébration du 8 Mars Quelle place pour les Aide-ménagères ?

A l’instar de la Communauté internationale, notre pays célèbre, ce mercredi 8 Mars 2017, la Journée internationale de la Femme. Déclarée par les Nations Unies en 1977, la journée du 8 Mars est l’occasion de dresser un bilan des progrès réalisés en faveur de l’épanouissement et de l’émergence de la Femme, de relever les insuffisances et d’appeler à des changements. L’édition de 2017 est placée sous le signe de : «l’autonomisation économique des femmes dans un monde du travail en pleine évolution».

Depuis la Charte de l’ONU, signée à San Francisco en 1945 où le système des Nations Unies proclamait l’Egalité des sexes, les Etats-Parties n’ont jamais réellement mis en œuvre le principe d’égalité entre les hommes et les femmes. A observer cette question de plus près, dans l’ensemble des Etats subsahariens, la journée du 8 Mars est devenue une journée festive, qui reste totalement éloignée du sens premier donné par les pionnières de Chicago durant le siècle dernier où les vaillantes ouvrières marquèrent leur désaccord avec la cadence imposée aux femmes dans l’usine…

Cette journée devrait devenir un temps de réflexion sur les conditions de vie des femmes à travers le monde. Célébrer le 8 mars, c’est rendre hommage aux femmes africaines. Il ne faudrait pas que le 8 Mars se limite à du folklore et que les femmes rurales, les femmes de conditions modestes, les jeunes filles non scolarisées, les filles-mères, les aide-ménagères, soient oubliées dans le combat.

Il est temps de donner un statut aux Aide-ménagères, encore appelées « bonnes à tout faire » ou « 52 »
Structurés ou non, la plupart des placements à l’emploi, pour ce qui concerne les Aides ménagères, sont caractérisés par un mode de fonctionnement non formalisé. Aucune disposition légale n’est prise qui garantit la crédibilité juridique du contrat. Il n’existe pas non plus de prescription sur les conditions relationnelles entres les personnes qui jouent le rôle d’agents de placement et les filles.

De l’autre côté, les contrats entre les employeurs et les bonnes se situent en dehors du cadre institutionnel de la législation du travail. Tous les principes du fonctionnement sont fondés sur un arrangement informel. Autant les filles bonnes ne bénéficient d’aucune catégorisation professionnelles, autant elles n’ont pas de rémunération significative. Leur salaire varie d’un employeur à un autre et cela en fonction de la volonté et le sentiment de ces derniers.

Par leur travail, elles apportent un tant soit peu leur contribution au revenu des familles. Cependant l’argent qu’elles gagnent n’est pas regardé comme un salaire en tant que tel. Surtout lorsqu’il s’agit de petites filles. Non seulement l’emploi qu’elles exercent revêt un caractère illégal, mais aussi ne bénéficient ni de salaire minimum fixé par la loi, ni d’aucun autre avantage prévu par les textes relatifs au contrat du travail. Ce sont des salaires dérisoires qui leur sont octroyés.

Elles ne bénéficient d’aucun code juridique susceptible de les protéger contre les accidents et les maladies. De toute évidence, les filles bonnes ne sont pas rétribuées en fonction de leur prestation.Manipulées au gré par les patrons, ces pauvres filles sont astreintes à une multitude de travaux sans repos. Elles font à la fois le ménage, la cuisine et s’occupent de la garde des enfants. Elles vivent ainsi dans une véritable situation d’esclavage travaillant en moyenne 12 à 15 heures par jour et ne recevant qu’un salaire de misère.

Dans certaines familles, elles ne se contentent que des restes de nourritures et de vêtements usés des maitres. Elles ne sont en général ni respectées, ni valorisées. Par leur position de « servantes », elles deviennent des proies faciles pour certains patrons et leur entourage familial. Elles sont souvent non seulement durement traitées par les épouses, mais aussi et surtout harcelées sexuellement par les hommes. A cause de leur situation de misère, certaines sont obligées de se livrer à la prostitution.

A longueur de journée, on la voit soit en train de faire le ménage, soit aidant à faire la cuisine, soit en compagnie d’un ou des enfants de la patronne dont elle a la charge. Pour tous ces travaux, elles ne perçoivent que des maigres salaires le plus souvent inferieurs à 10.000 Francs. Mais ce qui est grave, c’est que ce salaire dérisoire n’est souvent pas payé.

La situation est telle qu’on se pose la question de savoir si la femme n’est finalement pas un bourreau pour la femme ?

L’historique du 8 Mars

Au tournant du XXe siècle, quelques décennies après la révolution industrielle, l’Europe est en ébullition. Les masses se réveillent. Les paysans ne veulent plus d’une vie terre à terre. Les ouvriers, le moteur de la machine industrielle, ne baignent pas dans l’huile, ils revendiquent. Les intellectuels s’impliquent et proposent. Et les femmes, surtout en Occident, questionnent leur place dans la société. 8 mars 1910 Une Française, Marie de Gournay, femme de lettre du XVIIe siècle, a rédigé un essai en 1622, dans laquelle elle réfute la thèse acceptée, à l’époque, de la soi-disant infériorité du sexe féminin. «L’homme et la femme sont tellement uns que si l’homme est plus que la femme, la femme est plus que l’homme. »

Ceci peut avoir l’air d’une tautologie mais c’est d’une logique implacable. Toutes les luttes d’émancipation renferment leurs héros cachés. Il n’y a pas de génération spontanée. Toujours des précurseurs, des guides, par exemple, le club des femmes d’Eugénie Niboyd, George Sand qui réclame l’égalité civile pour les femmes, Victor Hugo, un homme, prônant l’égalité des sexes. L’histoire n’est pas linéaire. Elle est tracée avec des tournants, des dénivellements des raccourcis qui, de manière surprenante, nous conduisent au boulevard de la civilisation.

Le 8 mars 1910 est reconnu unanimement comme le déclencheur irréversible de la lutte contre l’exploitation du genre féminin. Une sorte de « cérémonie des Bois Caïman» des femmes. L’Allemande Clara Zetkin, journaliste et intellectuelle, pour la première fois, propose d’organiser une « Journée internationale des femmes ». Le leitmotiv était autour de la quête du droit de vote. Mais vous savez que l’appétit vient en mangeant. 19 mars 1911 Le mouvement fait tâche d’huile. Un million de femmes défilent dans les rues de différentes capitales occidentales. Le droit de vote, le droit d’occuper des postes dans le pouvoir public, l’élimination de la discrimination au travail sont autant de réclamations produites par les différents regroupements féministes.

En 1917, les femmes défieront le tsar et défileront, à côté des ouvriers, réclamant le retour des époux des fronts. Les manifestations prirent de l’ampleur, plus de 200 000 personnes gagnent les rues. Les bolchéviques, galvanisés, prendront le pouvoir, avec Lénine à leur tête, le 6 novembre 1917. Quatre ans plus tard, Lénine décide d’une Journée internationale des femmes, en souvenir des ouvrières de St-Petersburg.

Et comme nous sommes en pleine révolution russe, braquons les projecteurs sur Alexandra Kollontai : première femme de l’ère contemporaine à avoir été membre d’un gouvernement. Sa brillante carrière l’emmènera à différents postes ministériels. Elle créa le ministère chargé des Affaires féminines et terminera son parcours politique comme ambassadrice. C’est une femme authentique et libre. Elle n’hésite pas à se mettre à dos les «féministes bourgeoises» qui, selon elle, ne tiennent pas compte des revendications des femmes prolétaires. Elle n’hésite pas à soutenir des idées qui créent la polémique quand elle est convaincue de leur bien-fondé idéologique Ainsi, dans un débat sur la prostitution, elle eut à déclarer : « Doit-on punir uniquement les prostitués ? Et les clients ? Comment les définir ? Est-il quelqu’un qui achète les faveurs des femmes ? Dans ce cas, les maris de nombreuses femmes légales seraient coupables.»
1975, année de la femme !

La décennie 70 fut prolifique pour l’avancement des luttes sociales. Les relents de la vague de mai 68 sans doute. C’est une période mythique sur le plan des mouvements sociaux. Ouvriers, immigrés, écologistes, marxistes, syndicalistes épris d’idéal et de générosité ont entrepris de changer le monde. Les femmes en ont profité pour imposer leur lutte au monde. En 1975, l’ONU décrète l’Année de la femme, également, la résolution 32/142 : Journée des Nations unies pour les droits de la femme et la paix internationale.

Relevons, chers lecteurs et lectrices, l’importance de l’utopie communiste dans les mouvements féministes du début du XXe siècle. Pour la première fois, des opprimés et des exploités mènent de bout en bout une révolution. Les femmes ont écrit des pages héroïques de la période révolutionnaire. La vigueur des revendications associée à la lutte des masses a eu un effet propulseur en Russie et en Allemagne, particulièrement. Au fil des années, le féminisme va se sophistiquer autour de différentes tendances en Occident. Un des moments forts sera la réappropriation par la femme de son corps et de sa sexualité grâce à l’usage de la pilule contraceptive. D’autres combats seront menés et gagnés. Mais, aujourd’hui encore, même dans les démocraties capitalistes avancées, la vie pour de millions de femmes demeure pénible, seulement parce qu’elles sont des femmes.

O.O