Qu’aurait pensé le premier président de la République du Mali, s’il revenait à la vie et qu’il
constatait de visu ce que le pays est devenu 58 ans après son indépendance ? Une question
qui, bien qu’elle puisse paraître bête, mérite bien d’être posée. Car le pays peine à assurer
ce qu’il y a de plus basique pour un pays souverain, son intégrité territoriale. Le président
Modibo Keita mais aussi tous ses camarades de lutte, auraient bien honte de ce qu’est
devenu leur pays, qu’ils voulaient grand et surtout « indépendant ». Les célébrations du 22
septembre se succède, sans même que l’on ne fasse le bilan.
Le Mali des premières heures de l’indépendance était jalouse de sa souveraineté. Si bien que
le président Modibo Keita coupa tout lien avec la France, entité colonisatrice. Après la
proclamation de l’indépendance, le 20 juin 1960, dès le 10 octobre de la même année,
l’armée malienne fut créée. Preuve, s’il en est, que le président Keita attachait une
importance toute particulière à l’intégralité territoriale du Mali. L’armée du pays devint très
vite une puissance sous-régionale, et sera, pour de longues années, la fierté de tout Malien.
Les valeurs de l’époque étaient patriotisme, sacrifice, honneur et dignité. Le jeune pays était
bien pauvre mais ne manquait pas de cran politique en tournant le dos à la France et au bloc
de l’ouest pour faire le choix du communisme, en plein guerre froide. Un choix qui peut se
justifier par la volonté de Modibo Keita de s’affranchir de la mainmise française sur l’Afrique
de l’ouest qui, malgré l’indépendance de ses anciennes colonies, était toujours présente
dans la zone.
Mais 58 ans après l’indépendance de la République du Mali, que restent-t-ils de ces valeurs
qui fit du Mali, avec la Guinée et le Ghana, le leader d’une Afrique unie, solidaire qui se
voulait par-dessus tout indépendante ? « Gone with the wind » comme le dirait le titre d’un
film célébrissime.
Aujourd’hui, le Malien est méconnaissable. Il se tape la poitrine, à tout va, d’un passé
glorieux, en récitant aveuglement le nom d’héros qui ont fait la notoriété du Mali impérial,
sans jamais s’en inspirer. Une attitude qui s’apparente à un sacrilège. Il ne condamne le vol
et autres pratiques frauduleuse que s’il n’a pas sa part du butin. Il préfère être plein aux as
dans un Mali qui tangue plutôt que de sacrifier un peu de sa personne pour le bien de la
Nation. Excusez ce portrait très peu flatteur du Malien contemporain. Mais, doit-on, dans un
pays qui peine à exister, citer le nom de tous ces héros qui ont préférer la mort à la honte ?
Il est évident que le président Modibo Keita aurait eu honte de ce qu’est devenu le Mali. La
célébration de l’accession du pays à la souveraineté ne devrait pas se borner un simple défilé
militaire. Cela devrait être surtout un moment de mémoire pour les Maliens. Raviver en
chacun l’esprit de patriotisme et du don de soi qui était le point commun de nos
compatriotes en 1960. Et surtout, se remettre en question, faire son propre autocritique.
Ahmed M. Thiam
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