Et elle a raison car c’est tangent à Abidjan. Le message de Gbagbo, s’il ne jette pas l’huile sur le feu, reste d’une implacable fermeté : le président, c’est lui et il est prêt à le faire constater par un audit international. En attendant, le pays a peur et vit planqué. Ce qui ne lui épargne pas, les droitsdelhommistes de graves violations à la faveur du couvre-feu et du fait surtout des forces de sécurité, donc du Camp Gbagbo : assassinats, enlèvements, viols. Le Nigérian Jonathan Goodluck, président en exercice de la Cedeao, a rapatrié les familles de ses diplomates à Abidjan. La France et l’Allemagne ont demandé à leurs ressortissants de quitter la Côte d’Ivoire. « Nous sommes quasiment dans une situation de pré-génocide », assène Guillaume Soro, le Premier ministre légitime tragiquement réduit à un statut d’opposant, voire de réfugié politique. Les ingrédients de l’embrasement sont donc réunis.
Or, outre son poids économique et son importance géostratégique, la Côte d’Ivoire est, comme nous l’enseignaient les cours de lycée, le « résumé saisissant de l’Afrique de l’Ouest » en termes de peuplement. Le sommet de demain ne se fera pas alors pour les beaux yeux de la Communauté internationale mais pour la stabilité de la sous-région. Les citoyens Cedeao le suivront pour deux choses. Sa fréquentation, car les absents seront pris pour des proches de Gbagbo déclaré infréquentable. Et son contenu qui, pour qu’Abuja ne redevienne pas un simple machin, pourrait aller au-delà des « interdictions de visa et du gel d’avoirs ». Mais reste à voir si les présidents peuvent aller jusqu’à décider une opération militaire contre Gbagbo sans l’aval du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine qui, très curieusement, n’a pas encore tenu de sommet de crise sur la Côte d’Ivoire. Contrairement à ce qu’il a fait en janvier 2005 à Libreville.
Adam Thiam
Le Républicain le 23/12/2010