Depuis le lancement de cette grève qui était à son dixième jour ce jeudi le mouvement qui l’accompagne n’arrête pas de s’agrandir, alors que de petits groupes de populations s’organisent à tout moment, l’étendard national déployé, et s’ébranlant à moto ou en voiture vers l’estrade où se trouve celui qui est aujourd’hui le symbole de la lutte anticorruption en Inde. Le choix du lieu, sous une affiche géante du Mahatmat Gandi est évocateur de l’option faite par le vieil homme Anna Nazaré, qui pourrait aller loin dans cette grève. Le vieil homme de 74 ans mobilise autour de lui plus de 25 000 personnes pour sa cause, qui est devenue sans nul doute la cause nationale.
Le gouvernement de Manmohan Singh qui a compris cet élan est devenu aussi préoccupé que le vieux de 74 ans qui refuse de s’alimenter et qui a réussi à faire sensation, occupant une place de choix dans l’actualité internationale et incontestablement la Une au niveau national. Les partis politiques rendus sensibles ont joué aussi leurs cartes en demandant comme le gouvernement la fin de la grève. Ni la lettre du Premier ministre adressée à Anna Hazare, ni la demande des partis politiques n’ont pu assouplir la position du vieux qui lance d’ailleurs un ultimatum au gouvernement au 30 août. Les militants qui ont élu domicile auprès de celui qui force la comparaison avec le Mahamat, même si tout le monde sait que comparaison n’est pas raison et particulièrement dans ce cas, ont été estimés à plusieurs dizaine de milliers de manifestants.
Mais cela ne représente qu’une infime partie des populations qui pourraient s’identifier à ce mouvement d’Anna Hazaré. Plus de 25 % de la population indienne ou plus de 300 millions de personnes vivent en dessous du seuil de la pauvreté a indiqué Vishnu Prakash Secrétaire général et porte parole du ministère des Affaires étrangères au cours d’une conférence de presse suivie d’un déjeuner à l’intention de la presse nationale et des journalistes de pays d’Afrique francophone, le 23 août . Il était entouré de son co-secrétaire général du ministère des Affaires étrangères Rajinder Bhagat et de l’Ambassadeur Gurjit Singh.
« L’Inde est la plus grande démocratie du monde, mais notre plus grand défi aujourd’hui est le développement économique. Plus de 85 % de la population a accès à la télévision, voit ce qui se passe ailleurs dans le monde et a forcement des exigences à exprimer. Réduire la pauvreté reste donc un défi », selon ce haut fonctionnaire de l’Etat indien, même si de gros efforts existent dans le domaine de la santé, de l’Education, de la formation des ressources humaines. Il a rendu responsable le colonialisme que l’Inde a subi pendant 200 ans de présence, de la situation actuelle de son pays qui a plusieurs facettes, donc une Inde pauvre, une riche, une Inde émergente qui tend la main à l’Afrique, bref un « livre ouvert qu’il appartient à tout le monde de faire sa lecture ».
Le terrorisme venant du dehors de chez le voisin le Pakistan, ainsi que d’Alqaïda sont certes de grandes menaces pour le gouvernement indien qui appelle au règlement pacifique de leurs différents. C’est en ce moment qu’éclatent aussi les doléances posées par Anna Hazare pour l’élaboration d’instruments juridiques permettant de lutter efficacement contre la corruption. Mais le pays est miné par d’autres fléaux comme l’inégalité sociale, l’existence des castes qui est un défi social, malgré que « la constitution du 26 janvier 1950 offre à tous les citoyens l’égalité quelles que soient l’ethnie, la religion », selon Vishnu Prakash. La discrimination sur la base des castes est un crime qui doit être jugée comme tel, selon lui.
Pour le conférencier, le gouvernement indien est disposé à lutter contre la corruption. Il estime que la loi sur la corruption est améliorable et que la constitution donne à tout le monde le droit de rassemblement et de libre expression, faisant allusion au mouvement d’Anna Hazaré qui est vu en Inde et par les pouvoirs publics comme l’exercice d’un droit constitutionnel inaliénable.
L’affaire qui concerne au premier chef les pouvoir publics, ceux-ci s’attèle aujourd’hui sans répit à trouver une issue salutaire, et cela ne semble demeurer que dans l’adoption d’une loi qui sera acceptée du gréviste de la faim qui s’affaiblit de jour en jour. Ce jeudi 25 août, le Premier ministre, ainsi que les ministres du gouvernement ont fait du Parlement une permanence où ils sont restés du matin u soir. Une issue heureuse ne semble pas loin. Pendant ce temps, les militants eux, de jour comme de nuit restent mobilisés, des veillées sont organisées et les chaines de télévisions (il y en a environ 700 sur le territoire indien) diffusent en boucle les débats sur ce sujet embarrassant.
Boukary Daou
Depuis New Delhi
Le Républicain 26/08/2011