Deux heures de vol de Casa, plus de 48h de croisière dans le luxueux navire italien Rhapsody de Gènes: Dakhla est une péninsule coincée entre la mer et le sable aux limites extrêmes du Sud marocain. C’est ici que se tient pour la deuxième fois le célèbre forum du Crans Montana. L’édition 2016 terminée le 22 mars réunit un millier de participants, dont plus que la moitié venue de l’étranger. Des hôtes de marque (anciens chefs d’Etats, anciens Premiers ministres, anciens et ministres en fonction, universitaires, capitaines d’industrie, activistes de la société civile. Ils sont venus d’une centaine de pays dont certains très éloignés comme les ministres des Îles Salomon dans le Pacifique. D’autres sont des voisins du Maroc tels que les anciens chefs d’Etat Ould Vall de la Mauritanie et Dioncounda Traoré du Mali.
Cette année, le thème portait sur la Coopération Sud-sud. Et en particulier le rôle et la place de l’Afrique dans cette coopération qui dérivent une réalité tangible au fil des années, rompant avec les vœux pieux pour devenir selon l’expression du Roi Mohammed Vi dans le message adressé aux congressistes » une composante connexe des politiques de développement » répondant « désormais à une vision stratégique homogène, au service du développement des États et des besoins des populations ». C’est dans une bonne cinquantaine de séances que les forces et les faiblesses de la coopération sud-sud ont été analysées, de même que ses menaces et ses opportunités’ par des experts de renom ainsi que des praticiens soucieux d’applications concrètes. La capitalisation est un autre paire de manche et c’est le talon d’Achille de tous les grands forums surtout annuels. Mais il y avait deux choses : le forum et Dakhla.
Un petit port de pêche devenu une agglomération
Au cœur du Sahara dit occidental et que le Maroc appelle simplement Sahara marocain, Dakhla comptait il y a trois décennies moins de vingt mille habitants. En 2016, elle est devenue une fière agglomération de plus de 100 000 habitants. Un aéroport propre, un port impressionnant ou s’alignent les chalutiers, cette brise atlantique que l’on ressent de Dakar à Nouakchott en cette saison, des villas coquettes perlant le littoral, un marché où le Sahélien authentique n’est pas dépaysé. Les couleurs, la chaleur humaine, les clameurs: ici c’est l’Afrique que l’on connaît. D’ailleurs reconnaissant Dioncounda Traoré par son écharpe, une vendeuse mauritanienne attira l’attention sur le « Raïs Mali » c’est à dire l’ancien président du Mali. Lequel fit quelques heureux en puisant dans son répertoire hasanya de natif de Nara, une ville malienne ou la langue maure est parlée. A deux mètres de là, un ressortissant de Gao enseignant l’Anglais dans un lycée de Dakhla vient solliciter une photo avec l’ancien dirigeant de la transition malienne. Il sera initié par un immigré du Diafounou dans la région de Kayes qui répartit visiblement content de sa conversation en Soninké avec le visiteur-surprise. « Il est temps que l’Afrique reprenne ses droits sur l’Histoire et sur la Géographie »: ce passage fort du message du souverain chérifien à l’entame du Forum n’est pas un slogan pour les populations du Sud marocain qui accueillent avec satisfaction les projets de modernisation dont elles sont les bénéficiaires. A Laayoune, en novembre dernier, le Roi avait décliné ses ambitions pour les provinces méridionales. L’idée du souverain est de faire de cette région le pont entre le Maroc et le reste de l’Afrique. Un hub pour tout dire. Cela rime avec modernisation, croissance et bien être, ce qui explique le budget colossal alloué à l’investissement dans cette région.
L’appropriation africaine du Forum
Le pendant politique d’un tel projet, c’est à dire la coopération sud-sud traduite dans les faits et geste de tous les jours a été bien perçu par certains participants au Forum de Dakhla. Ils sont en effet plusieurs dizaines, Africains surtout mais aussi occidentaux portés par le développement sincère du continent à avoir évoqué l’idée d’un événement spécifiquement africain qui se tiendrait à Daklhla. Ledit événement se tiendrait à Dakhla parce que cette ville est la croisée du chemin entre le Maghreb et les pays africains situés plus au Sud. Mais il s’y tiendrait également pour appuyer les efforts de développement entrepris pour la région par le Maroc. Des participants ont émis ainsi l’idée de l’institut Sud-sud de Dakhla un think-tank qui proposerait bientôt des écoles de pointe pour les étudiants des pays riverains. Dans cette optique, le projet murmuré de la Biennale de Dakhla sera un événement-phare pour mettre en relief le savoir et le savoir-faire d’une zone qui était hier un ensemble intégré ainsi qu’un haut lieu de la civilisation mondiale.
Adam Thiam
Le Républicain-Mali