Le Républicain : Jusqu’à présent, les candidatures déjà annoncées à l’élection présidentielle de 2012 concernent des hommes. Malgré tous les plaidoyers des femmes qu’on entend régulièrement au cours des ateliers, pourquoi aucune d’entre elles ne s’est pas encore présentée ?
Mme Traoré Oumou Touré : Je ne peux pas vous parler de tout le monde, je représente une vaste coordination, mais je ne peux m’exprimer au nom de toutes les femmes parce qu’elles sont individuelles, elles sont femmes des partis politiques, opératrices économiques, militantes des organisations de la société civile. A notre avis, les candidatures féminines se préparent. L’exercice démocratique est venu nouvellement et les femmes ne maîtrisaient pas convenablement, comme les hommes, le jeu politique. La diplomatie intérieure, c’était les femmes et la vie publique concernait les hommes, aujourd’hui on a demandé aux femmes d’aller à vie publique.
Or tout cela a besoin de préparation car, les négociations qui se font dans les enjeux politiques n’étaient pas très bien connues des femmes. Vous avez parlé de tous les plaidoyers qu’on a eu à faire, on les a faits pour qu’on accepte de mettre les femmes, soit en tête de liste, soit en bonne position. Les partis ont effectivement des démembrements femmes, mais pas de femmes à la tête de ces structures. Je ne dis pas qu’elles ne sont pas dans les bureaux, elles sont bien dans les bureaux mais à quels postes ? L’exercice démocratique, c’est un apprentissage pour la conquête du pouvoir avec tout ce que ça comporte comme négociations, stratégies, partenariats et ressources. Nous avons constaté que les élections se gagnent parce que les gens ont les moyens matériels et financiers, donc, au cours des plaidoyers, nous parlons de ce manque de moyens. Même si les femmes ont l’électorat féminin abordable, la grande pauvreté des femmes et leur méconnaissance des enjeux font qu’elles sont détournées là où on leur donne beaucoup plus de moyens que là où elles sont plus présentes.
Prenons l’exemple de la petite expérience des élections passées : lors des communales passées, nous avons fait beaucoup de plaidoyers, de sensibilisations. Les femmes élues travaillent et ont eu de bons résultats, mais au niveau des législatives, il y a des régions où jusqu’à présent, il n’y a pas de femmes députés. Pour l’élection présidentielle, il faut des négociations de taille, ça nécessite la préparation des femmes, car si elles se retrouvent avec un pourcentage de 0,0 ; 1 ou 2% c’est décourageant pour les femmes, démotivant et ça peut être utilisé comme arme contre les femmes. Il y a des pays avancés sur le plan démocratique comme par exemple au Sénégal et ce n’est pas cette année qu’il va y voir deux ou trois femmes qui vont aller à la présidentielle. Quand on s’est bien préparé, oui, mais il ne faut pas entrer dans la compétition parce que c’est un effet de mode. On a vu une femme qui n’a pu se présenter parce qu’elle n’avait pas la caution. Et un journaliste m’a une fois dit : vous ne pouvez pas parler parce que vous n’avez même pas pu avoir la caution, c’était 5 millions à l’époque. La deuxième expérience la candidate est partie avec le taux déplorable qu’on a vu. C’est un effet de mode. C’est très bien qu’une femme parte dans la compétition électorale, mais il faut éviter de partir pour le plaisir de partir. Il n’est pas dit qu’on ne doit pas aller à la compétition parce qu’on ne gagne pas, mais, qu’à défaut, on doit gagner en notoriété par rapport au poids des femmes.
On reproche souvent aux femmes de ne pas arriver à s’unir pour la compétition électorale. Est-ce une réalité ?
Ce n’est pas possible, à partir du moment où il y a des partis politiques. Les femmes ne sont pas toutes dans les mêmes partis politiques et les partis ne peuvent avoir les mêmes enjeux, donc les femmes n’y ont pas les mêmes intérêts stratégiques. Il ne faut pas non plus féminiser les élections, il faut partir en tant que citoyen dans les compétitions démocratiques. A cet effet, des femmes peuvent ne pas s’entendre et il y a aussi des femmes qui s’entendent avec les hommes. Il ne faut pas dire que c’est parce que c’est une femme ou qu’elle a un programme féminin qu’il faut se mettre derrière elle, mais plutôt considérer un programme qui prend en compte l’intérêt du pays, des Maliens.
Les femmes suivront une femme ou un homme quand son programme prendra en compte les intérêts des femmes. Il faut aussi se poser la question : est-ce un programme approprié pour le pays ?
Vous êtes aussi membre de la Ceni, que pensez-vous de l’opposition au décret de mise en place de la Ceni ?
Je me réfère à la loi électorale. En tant que membre de la Ceni, mon outil de travail c’est la loi électorale. Il faut se poser la question de savoir pourquoi la loi électorale a été résiliée en 2006. Elle disait clairement, au départ, 5 pour la société civile 5 pour les partis de l’opposition 5 pour la majorité. Je ne sais pas pourquoi en 2006 on a regroupé les 10 partis, en introduisant l’équité. Je pense que vous trouverez la réponse avec les partis politiques ou la société civile qui pourront l’interpréter.
Que pensez- vous du fichier électoral ?
Comme le fichier électoral est en cours de révision, je ne peux pas, en tant que membre de la Ceni, parler du fichier.
Et les réformes constitutionnelles ?
Officiellement, la Ceni n’a pas été saisie, par rapport aux réformes. On ne nous pas envoyé de document sur la question. La société civile a été entendue à travers le Forum de la société civile et le Conseil national de la société civile. La réponse de la Cafo est donc contenue dans les propositions du Forum de la société civile.
Quelles sont vos remarques ?
Je dis aux journalistes que les élections sont un évènement national qui engage tout le monde et la presse représente la 4ème force dans ce pays. Elle peut donc beaucoup aider à apaiser ces élections comme elle peut aider à les envenimer. La volonté nationale et l’engagement voudraient qu’on communique. Nous devons être à votre service pour qu’un plus grand nombre de citoyens soit informé sur les vrais problèmes du pays. Les questions réponses sont aujourd’hui dépassées et nous sommes dans le cadre démocratique où on doit beaucoup plus communiquer. L’information doit se faire de manière professionnelle et la désinformation est nuisible. Les citoyens ne sont pas redevables à la presse, mais plutôt à leur conscience.
Baba Dembélé
Le Républicain 10/11/2011