Juan Guaido, à la tête du Parlement vénézuélien contrôlé par l’opposition, s’est autoproclamé mercredi «président» par intérim du pays, et a immédiatement été reconnu par les États-Unis et ses alliés dans la région.
L’armée vénézuélienne, soutien indéfectible du président socialiste Nicolas Maduro, a rejeté l’autoproclamation de Juan Guaido. «L’armée défend notre Constitution et est garante de la souveraineté nationale», a affirmé le ministre de la Défense, Vladimir Padrino.
À la suite de l’annonce, des heurts ont éclaté entre forces de l’ordre et partisans de l’opposition à Caracas, selon des journalistes de l’AFP.
«Je jure d’assumer formellement les compétences de l’exécutif national comme président en exercice du Venezuela pour parvenir (…) à un gouvernement de transition et obtenir des élections libres», a lancé Juan Guaido devant des dizaines de milliers de partisans réunis à Caracas pour protester contre Nicolas Maduro.
Le président américain Donald Trump a immédiatement annoncé dans un communiqué qu’il reconnaissait officiellement le jeune opposant de 35 ans comme «président par intérim du Venezuela».
En réponse, le président Maduro a annoncé que son pays rompait ses relations diplomatiques avec «le gouvernement impérialiste des États-Unis», donnant 72 heures à leurs diplomates pour quitter le pays.
Washington «ne considère pas que l’ancien président Nicolas Maduro ait l’autorité légale pour rompre les relations diplomatiques avec les États-Unis ou pour déclarer nos diplomates persona non grata», a réagi le département d’État.
La Colombie et le Brésil, alliés de Washington dans la région, ont emboîté le pas à la Maison-Blanche, ainsi que l’Argentine, le Chili ou encore le Paraguay. Le secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), Luis Almagro, qui a assuré à Juan Guaido «sa reconnaissance pour impulser le retour de la démocratie dans ce pays».
Donald Trump a également affirmé que «toutes les options» étaient sur la table si Nicolas Maduro avait recours à la force contre les manifestations d’opposants. Le Brésil a d’ores et déjà écarté toute participation à une intervention militaire pour renverser son gouvernement.
Cuba a fait part de son «ferme soutien» au président Maduro face à une «tentative de coup d’État». Et le Mexique du président de gauche Andrés Manuel Lopez Obrador a indiqué maintenir son soutien au dirigeant socialiste, reconnaissant «les autorités élues selon la Constitution vénézuélienne». La Bolivie du socialiste Evo Morales a également manifesté «sa solidarité».
À Bruxelles, l’Union européenne a appelé mercredi soir à écouter la «voix» du peuple du Venezuela, réclamant des élections «libres et crédibles».
Opposants et partisans dans la rue
Peu avant la proclamation de M. Guaido, la Cour suprême vénézuélienne, plus haute juridiction du pays, composée de fidèles au régime, a annoncé avoir ordonné une enquête pénale contre les membres du Parlement, en les accusant d’usurper les prérogatives du président Maduro.
Opposants et partisans du président Maduro sont descendus en masse dans les rues mercredi dans tout le pays, dans un climat de haute tension. Treize personnes sont mortes depuis mardi dans des troubles précédant les manifestations, selon une ONG de défense des droits humains.
Une vague de joie et d’espérance s’est répandue parmi les dizaines de milliers d’opposants, dont nombreux s’étaient vêtus de blanc, après que Juan Guaido se fut autoproclamé chef d’État, selon des journalistes de l’AFP.
«Ce qui s’est produit nous apporte de l’espérance. Ce peuple, ce qu’il ressent aujourd’hui, c’est de l’espérance, c’est une nécessité que nous allions de l’avant», a déclaré à l’AFP José Gregorio Flores, 43 ans, qui a participé à la manifestation organisée à l’appel de Juan Guaido pour réclamer un «gouvernement de transition».
De leur côté, les partisans du gouvernement, habillés de rouge pour la plupart, se sont retrouvés dans d’autres points de la capitale pour apporter leur soutien à M. Maduro et rejeter les revendications de l’opposition, qu’ils considèrent comme une tentative de coup d’État orchestrée par Washington.
En cette date historique, où l’on commémore les 61 ans la chute de la dictature de Marcos Perez Jimenez le 23 janvier 1958, opposants et partisans du président socialiste souhaitaient compter leur forces.
Le président vénézuélien a été investi le 10 janvier pour un deuxième mandat, contesté par l’opposition et non reconnu par les États-Unis, l’Union européenne et de nombreux pays d’Amérique latine.
Yelitze Pariata, 47 ans, qui vit dans une maison que lui a attribuée le gouvernement dans le centre de Caracas, est, elle, venue «manifester pacifiquement pour soutenir le président et montrer au monde que le chavisme est uni».
Les commerces, écoles et institutions sont restés fermés mercredi, tandis que de rares véhicules étaient visibles dans les rues. Les violentes manifestations de 2017 qui ont fait 125 morts sont encore dans toutes les mémoires.
Amnistie pour les militaires
Ces mobilisations étaient organisées dans un climat explosif, deux jours après le bref soulèvement d’un groupe de 27 militaires qui se sont retranchés quelques heures dans une caserne du nord de Caracas, en lançant des appels à l’insurrection. Ils ont rapidement été arrêtés.
Mardi, le vice-président américain Mike Pence avait affiché sa solidarité avec la manifestation de l’opposition. Un appel à «un coup d’État fasciste», a dénoncé Nicolas Maduro.
Dans la foulée du soulèvement des militaires, des émeutes avaient été enregistrées dans des quartiers populaires de la capitale et de sa banlieue. Et dans la nuit de lundi à mardi, des chars anti-émeutes avaient patrouillé dans la capitale.
Cette insurrection s’est produite alors que l’opposition ne cesse d’appeler l’armée, considérée comme le principal soutien de Maduro, à rompre avec le régime. Le Parlement a notamment promis une «amnistie» aux membres de l’armée qui refuseraient de reconnaître le deuxième mandat de M. Maduro.
Agence France-Presse
| Publié le 23 janvier 2019 à 13:23
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