Pour la campagne agricole 2019-2020, 15 milliards de FCFA sont débloqués par l’Etat pour subventionner les engrais, contre 20 milliards l’année dernière. Et jusque-là, nombreux sont les paysans qui se plaignent de l’indisponibilité de ces engrais sur le terrain. Selon la direction nationale de l’agriculture (DNA), la situation sécuritaire en est pour quelque chose.
Cependant, parmi les plaignants certains sont du sud, ces cultivateurs qui se plaignent de plus en plus de la non disponibilité de l’engrais, surtout celui subventionné par le gouvernement. « On a vu par exemple à Bakaribougou dans le secteur CMDT de Fana, que cette année exceptionnellement ils n’ont pas pu avoir d’engrais subventionné par le gouvernement, c’est du jamais vu», témoigne N’Tchio Traoré, membre de l’ Association des Organisations Professionnelles Paysannes (AOPP). Cette information est confirmée par la direction nationale de l’Agriculture. Aujourd’hui, le Mali dispose d’un réseau fortement étoffé de fournisseurs d’engrais avec deux grandes usines de production d’engrais minéraux. Les engrais les plus importés du Mali sont l’urée, le KCl, le MAP, le Sulfate d’ammonium et le DAP. Ces engrais sont mélangés localement dans diverses qualités de NPK. Et une dizaine de grossistes importateurs.
Du 13 au 16 juillet 2019, le ministre de l’Agriculture, Moulaye Ahmmed Boubacar, en compagnie du PDG de la CMDT, Baba Berthé, du président de l’APCAM, Bakary Togola et du secrétaire d’Etat chargé de l’aménagement et de l’équipement rural, a effectué une visite en zone CMDT. Au terme de cette visite, le ministre a déclaré : « Le problème qui inquiète le plus en ce moment, c’est la disparité des pluies. Nous nous rendons compte que de plus en plus, la saison pluvieuse s’installe. Ce que j’ai vu durant les trois jours que j’ai passé dans les différentes régions, nous permet d’espérer. Au-delà de la question du manque d’eau, les problèmes qui ont été soulevés par les différents producteurs rencontrés, sont des problèmes qui ne dépassent pas nos capacités. C’est la problématique de la subvention, du matériel agricole et de l’organisation. La subvention qui était le souci majeur des producteurs est une réalité cette année. Il a été diffusé que 10 milliards étaient accordés à l’initiative riz et 10 autres milliards pour le coton. Il se trouve que nous sommes un peu au-delà de tous ces chiffres avec 15 milliards pour l’initiative riz et 12 milliards pour le coton… ». A côté des traditionnels fournisseurs d’engrais, en 2015 de nouveaux fournisseurs ont intégré le circuit dont la conséquence est qu’ils ont fait entrer sur le territoire national des engrais de mauvaise qualité. Lorsque que le navire qui transportait ces engrais avait accosté au port d’Abidjan, une odeur nauséabonde s’en dégage. Les autorités ivoiriennes ont cru à l’arrivée d’un nouveau bateau pollueur du genre « Probo Koala ». Une délégation ministérielle ivoirienne se rend immédiatement au port pour voir clair. Elle constate que les odeurs proviennent d’un bateau chargé d’engrais. Un échantillon d’engrais est vite analysé. Les résultats révèlent que les taux de calcium, de plomb, de chrome sont très élevés, au-dessus des standards. Ces données attestent que les produits sont non seulement mauvais mais en outre hautement dangereux. Le ministre ivoirien avait informé son homologue malien, Bocary Téréta, de la possibilité que les engrais de mauvaise qualité soient introduits au Mali. Mais cette démarche reste sans suite, le PM, Modibo Kéita, lors de sa Déclaration de Politique Générale devant les députés le 11 juin 2015, est interpellé sur la question des engrais frelatés. Il reconnaît qu’une importante quantité d’engrais frelatés a été importée.
Cette situation intervient au moment où l’Etat prévoit plus de 10 million de tonnes de céréales et 775 000 tonnes de coton graine au cours de cette campagne agricole. Outre l’insécurité, la campagne est sujette à l’installation tardive de l’hivernage.
Mahamadou YATTARA