En janvier 2009, Mahamadou Boiré, Procureur Général, rencontra le personnel et les détenus de la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako (MCA) afin de vérifier les conditions de détention, d’identifier les domaines de préoccupation et de proposer des solutions aux deux problèmes les plus pressants du système pénal malien : la très longue durée des détentions provisoires et la surpopulation dans les prisons.
En février 2009, le procureur Sombé Théra, rencontra les responsables américains à l’ambassade des Etats-Unis pour discuter de ces problèmes et comment y trouver une solution. En résumé, Théra attribuait ces problèmes à un manque de ressources mais qui n’en était pas un.
La MCA, fut construite en 1950 par le colonisateur français. Elle a été conçue pour accueillir 400 à 500 prisonniers. Mais en janvier 2009, il abritait 1700 détenus et aujourd’hui environ 3000. La surpopulation carcérale est une préoccupation en soi mais contribue également à la propagation des maladies contagieuses parmi les prisonniers.
La longue durée des détentions provisoires est également une source de frustration pour de nombreux prisonniers qui sont incertains de leur sort pour une si longue durée.
Selon un article de l’Essor, certains prisonniers de la MCA attendent une audience au tribunal depuis plus de 8 ans. Ceci est une flagrante violation de la loi pénale. L’article 135 du Code de Procédure Pénale du Mali dispose :
« La prolongation de la détention provisoire peut intervenir chaque année. Cependant, en aucun cas, la détention provisoire de l’inculpé en matière criminelle ne peut excéder 3 ans. »
Donc la loi impose des limites sur la période de détention provisoire. Pour les crimes, l’accusé peut être incarcéré légalement pendant trois ans avant son procès. Mais au-delà de 3 ans, le procès doit avoir lieu immédiatement ou l’accusé doit être relaxé. Pour les délits, un accusé ne peut être détenu légalement que pendant six mois seulement, renouvelable une fois, avant son procès, ou il doit être libéré.
Durant son entretien, le procureur a indiqué que le gouvernement avait l’intention de résoudre les problèmes de la MCA en transférant certains prisonniers dans d’autres localités moins peuplées, et en doublant le nombre de séances tenues par les tribunaux de première instance. Théra admit que de nombreux maliens n’ont pas accès à une représentation juridique de qualité en cas de besoin. Il ajouta que le Mali a un nombre adéquat d’avocats, mais qu’ils sont disproportionnellement concentrés à Bamako. Une absence quasi totale d’avocats dans les zones rurales laisse la plupart des maliens incapables d’obtenir une représentation juridique en cas de besoin. Ceux qui ont les moyens peuvent engager un avocat de Bamako. Mais peu d’avocats acceptent de se rendre dans les zones rurales loin de la capitale.
Même dans la capitale, un grand nombre de citoyens ne disposent pas de moyens financiers pour obtenir des conseils juridiques, bien que dans les affaires criminelles, la loi exige que les accusés indigents soient représentés par un avocat commis d’office.
Le manque d’avocats dans les zones rurales fait qu’une grande partie des citoyens du Mali n’ont pas accès aux tribunaux. Cela explique en partie l’extraordinaire pouvoir donné aux juges de paix à compétence étendue qui possèdent une large autorité qui conduit souvent à des décisions arbitraires et sans moyen d’appel.
Sept ans après la visite du procureur général à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako, les mêmes problèmes persistent dans le système pénal du Mali. Comme l’a indiqué Gillian Milovanovic, ambassadrice des Etats-Unis au Mali entre 2008 et 2011, il y a un manque de volonté de la part du gouvernement. La promesse de Théra de résoudre les problèmes mentionnés, était un peu trop optimiste, selon elle.
L’actuel ministre de la justice, Mamadou I. Konaté, est aussi le ministre des droits de l’Homme. Le minimum qu’il puisse faire est de mettre en liberté, immédiatement, les prisonniers qui sont illégalement détenus par l’Etat au-delà de 3 ans de détention provisoire. Cela nécessite simplement une volonté de sa part de rendre justice aux plus démunis.
Amadou O. Wane
Collaborateur externe,
Floride, Etats-Unis
amadou@amadouwane.
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