Sans élus et presque sans ressources, l’Union Nationale Pour la Renaissance (UNPR) aurait été indiscernable d’une centaine d’autres partis au Mali si ce n’était son président, Modibo Sangaré connu pour son franc-parler. En 2002, Sangaré était l’un des 24 candidats présidentiels qui cherchaient à remplacer l’ancien président Alpha Oumar Konaré. Bien qu’il n’ait gagné que 11 600 des 1,5 million de voix, il a fait mieux que d’autres avec plus de ressources. Il tenta de se présenter aux élections présidentielles de 2007, mais il n’a pu rassembler la caution de 15 millions FCFA.
En 2007 et 2008, Sangaré aida à organiser des manifestations par des groupes musulmans contre l’effort du président Amadou Toumani Touré d’abolir la peine de mort et de réviser le Code de la famille afin de donner plus de droits aux femmes. En novembre 2008, les forces de sécurité utilisèrent des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants de l’UNPR. En plus de son opposition à l’abolition de la peine de mort, au droit d’héritage pour les femmes, et à l’interdiction de la pratique de l’excision, Sangaré préconisait ouvertement de transformer l’État malien laïque en une république islamique. Il voulait aussi l’incorporation de certains aspects de la charia dans la société.
Les idées de Sangaré sur la laïcité et la charia le distinguèrent de manière significative des autres dirigeants sunnites comme Mahmoud Dicko, le président du Haut Conseil Islamique du Mali. Bien que Dicko et d’autres dirigeants musulmans, souhaitaient voir plus d’instruction religieuse dans les écoles maliennes, ils n’avaient aucun intérêt à modifier la nature laïque de l’État ou du système juridique malien.
L’opposition de l’UNPR à la nature laïque de l’Etat malien semblait également placer le parti et Sangaré du mauvais côté de la Constitution qui oblige les partis politiques à respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité territoriale, de l’unité nationale et de la laïcité. Une loi de 2005 interdit tout parti politique fondé sur une base religieuse.
Sangaré déclara, « si cela dépendait de moi, le Mali serait un pays islamique, mais ouvert à l’Ouest ». Il préconisait la création d’une république islamique et démocratique, qui serait régie par la charia tout en respectant les droits de l’Homme tels qu’indiqués par les Nations Unies. « La base de chacun de ces droits se trouve également dans le Coran » ajouta-t-il. Il soutint son argument en affirmant que le Mali a essayé le socialisme de 1960 à 1968, une économie planifiée et la dictature militaire de 1968 à 1991, et la démocratie de 1991 à ce jour, tous sans succès. Son plan de transformation du Mali en République islamique semblait donc être en partie dû à l’élimination des autres méthodes de gouvernance déjà essayées, et un peu de conviction religieuse.
Le manque manifeste de représentation de l’UNPR à tous les niveaux de l’Etat, pourrait expliquer pourquoi les responsables maliens n’ont pas poursuivi Sangaré et l’UNPR pour avoir violé la loi sur la laïcité des partis politiques. La poursuite de l’UNPR pour ses péchés politiques aurait pu hausser la cote de popularité de Sangaré. Le parti n’avait pas d’argent pour s’organiser ou soutenir des campagnes politiques. Selon Sangaré, l’UNPR a reçu 2 millions de FCFA du gouvernement pour les campagnes présidentielles et législatives de 2007 et il a dépensé 1,5 million de FCFA provenant des contributions des membres du parti.
Concernant les relations internationales, Sangaré pensait que les États-Unis méritaient des éloges pour son respect des libertés religieuses, et pour avoir des lois contrôlant la consommation d’alcool en public. Il déclara qu’il croyait que les États-Unis défendaient les droits des musulmans plus que tout autre pays. « Les Américains », dit Sangaré, « sont des gens tolérants, un peuple qui respecte l’islam ». En comparant les États-Unis à la France, il nota que les femmes musulmanes aux États-Unis pouvaient se voiler sans crainte de harcèlement ou de rétribution. Néanmoins, il pensait que certains aspects de la politique américaine au Moyen-Orient, était un peu « schizophrénique ».
A propos d’AQMI, il déclara qu’il rejetait toutes les formes de terrorisme. La forme du salafisme pratiquée par AQMI selon lui, était contraire à la culture, aux traditions, à la tolérance et aux valeurs maliennes. Sangaré a également parlé de ses interminables querelles avec le Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM) et son président, Imam Mahmoud Dicko. En 2008 il refusa d’accepter l’élection de celui-ci, affirmant que Dicko et d’autres membres de HCIM avaient violé les règlements de l’institution. La poursuite judiciaire entamée par Sangaré et son refus de reconnaître Dicko comme président du HCIM, contribua à la division entre son groupe et le reste de la communauté musulmane du Mali.
Bien que Sangaré s’opposait au Code de la famille, supportait l’excision et voulait une République islamique, il vénérait le respect traditionnel des maliens pour la tolérance et la modération. La forme tempérée de l’islam politique de Sangaré, et le peu de popularité de l’UNPR, indiquèrent que ni son parti politique, ni lui-même ne menaçaient ces traditions maliennes.
Amadou O. Wane
Collaborateur externe,
Floride, Etats-Unis