Après la rétention de leur salaire, les magistrats révèlent un scandale
financier au sommet de l’Etat
Jusqu’où ira le bras de fer entre l’Etat du Mali et les magistrats ? Malgré les
missions de bons offices, les deux parties n’arrivent pas à trouver un terrain
d’entente afin que cesse la grève illimitée que les magistrats ont entamé le
lundi 28 aout dernier, soit il y a de cela presqu’un mois. Pour ne rien arranger à
la situation, l’Etat malien vient de durcir le ton. En effet, le gouvernement
malien a décidé de procéder à la retenue sur les salaires des magistrats à partir
du mois de septembre 2018. « Suite à la grève de sept jours ouvrables, du 25
juillet au 02 août, et illimitée à compter du 03 août 2018 observée par les
magistrats, J'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir prendre les
dispositions nécessaires et diligentes en vue de l'établissement des ordres de
recettes sur les salaires, de septembre, des magistrats grévistes de vos ressorts
conformément à la liste en annexe à la présente », a ainsi instruit, dans une
correspondance, le ministre des finances Bobou Cissé à la directrice des
finances et du matériel du Ministère de la justice et aux directeurs régionaux
du budget et du district de Bamako. Très courroucés par cette décision, les
magistrats maliens, à travers leurs syndicats (Syndicat Autonome de la
Magistrature (SAM) et du Syndicat Libre de la Magistrature (SYLIMA)), ont
riposté hier lundi 24 septembre. Le SAM et le SYLIMA ont, dans un
communiqué, déploré « la décision prise et assumée par le gouvernement de
recourir à un tel moyen et invitent ses membres à en assumer toutes les
conséquences.» Selon les deux syndicats, leur « grève n'est que la réaction
légale et légitime de la magistrature contre le reniement du Gouvernement du
Mali, si bien que toute forme de pression du pouvoir exécutif contre le pouvoir
judiciaire est illégale et donnerait lieu à une réaction juridique appropriée. »
L’Etat fonctionne, expliquent les grévistes, sur la base de la complémentarité
nécessaire entre Ies trois pouvoirs et que toute velléité paternaliste de l'un à
l'encontre des autres ne peut que détériorer inopportunément l'indispensable
collaboration devant présider à la conduite de l'action publique. Selon les
magistrats, ceux qui prônent l'exemplarité doivent être les premiers à l'abri de
tout reproche. Ils exigent ainsi que toute « la lumière soit faite autour des trois
milliards et demi (3.500.000.000) FCFA évaporés curieusement dans la nature à
l'hôtel des Finances à l'occasion du soit disant dédommagement d'un opérateur
économique consécutivement à la crise au nord du pays.» Ladite opération, de
leur avis, intervenue dans le cadre d'un marchandage de gré à gré entre le
ministre des Finances et l'opérateur économique en question, est intervenue
en violation des règles élémentaires applicables en la matière. « Cette
importante somme d'argent a été détournée au profit d'une seule entreprise de
la place et dans des conditions scabreuses, alors que l'incidence financière
totale de la demande légitime des syndicats, est seulement de l'ordre de deux
milliards (2 000 000 000) F CFA par an pour près de six cent magistrats…nul ne
peut nous opposer une quelconque insoutenabilité budgétaire de la
revalorisation demandée. », expliquent les magistrats. En outre, les grévistes
« encouragent le Gouvernement à poursuivre cette campagne de provocation,
tout en se réservant le droit de faire d'autres révélations et même
d'entreprendre des actions plus fortes visant le même ministre, voire d'autres
membres du Gouvernement de la République, impliqués dans d'autres
scandales non moins sulfureux. »
M.K. Diakité