L’affaire Karim Traoré et Moulaye Haidara, un simple fait divers, est en passe d’échauffer la République. Elle met aux prises pas, les sieurs Traoré et Haidara, mais, finalement, Dramane Diarra, le Procureur de la Commune IV et Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath, chroniqueur, ainsi que son père Mohamed Ali Bathily, ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat. Chaque camp a porté plainte contre l’autre, comme pour régler des comptes qui sont à mille lieues de cette affaire conjugale.
Le Procureur Dramane Diarra a porté plainte pour diffamation, outrage aux magistrats contre Mohamed Aly Bathily et autres. Entendez le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat (magistrat reconverti en avocat) et son fils, le chroniqueur Ras Bath. A l’appui de son geste, il déclare : « Les magistrats ont longtemps cautionné les dérives et excès individuels en laissant certains trop faire, au point de se croire tout permis, [de penser] que ce sont eux qui ont toujours raison et que ce sont les autres qui ont toujours tort ». Il poursuit : « c’est regrettable de voir tout un groupe de jeunes manipulés et abusés à la merci de Ras Bath, sur fond de mensonge, de calomnie et de délation ».
A l’origine se trouve une affaire conjugale entre les sieurs Haidara et Traoré et la dame Kéita. Le premier porta plainte contre les deux autres pour avoir contracté un mariage alors que le précédent qui le liait à Mariam Keita n’a pas été dissout. Il porte plainte en justice, ce qui aboutit à l’arrestation du second mari et à l’injonction faite à la dame de rejoindre son premier domicile conjugal. Bathily-père, estimant qu’il y a là une grave injustice, trouve moyen d’aborder publiquement cette affaire lors d’un déplacement à Koutiala. Son fils prend le relai sur les réseaux sociaux, dénonçant ce qu’il estime être un abus de pouvoir du procureur de la République près le Tribunal de première instance de la Commune IV de BAMAKO, là où il fut jugé et condamné en juillet 2016.
Suite à la plainte du procureur Diarra, Ras Bath, pour sa part, a saisi le Procureur général d’une lettre de « dénonciation de faits pouvant constituer une infraction de séquestration et de détention arbitraire » visant le magistrat coupable à ses yeux de s’être immiscer dans une banale affaire de couple. En somme, il s’agit de l’arroseur arrosé, et surtout du feuilleton médiatico-judiciaire de cette fin d’année. Et pour cause.
Dramane Diarra et Ras Bath, au-delà de ces deux affaires, se connaissent et pourraient avoir des dents l’un contre l’autre. M. DIARRA, en tant que procurateur de la Commune IV était apparu à la télé trois fois de suite après de l’arrestation de Ras Bath en aout 2015. Une fois pour appeler au calme après les violentes manifestations survenues ; une deuxième fois à la veille du procès en juillet 2016 et la troisième fois après le procès pour annoncer que bien que condamner à 12 mois de prison, Ras Bath, jugé par contumace, n’a contre lui ni mandat de dépôt ni mandat d’arrêt. En clair, il pouvait rentrer de France sans être arrêté. Décision incompréhensible pour les profanes qui se demandaient pourquoi alors se préciser pour juger quelqu’un en son absence, le condamner à une peine de prison ferme et annoncer qu’il peut vaquer tranquillement à ses affaires. Et notre Rastaman de faire un retour triomphal qui reste gravé dans la mémoire des Bamakois.
On peut se demander aujourd’hui, si cette façon d’agir de la Justice, consistant à condamner un prévenu et faire annoncer, urbi et orbi, par le procureur soi-même, que rien ne se passera, n’encourage pas ce que M. DIARRA regrette comme « dérives et excès individuels » de « ceux qui se croient tout permis ». Le moins qu’on puisse dire est que la gestion de la précédente affaire Ras Bath a semblé si chaotique que l’on se demande aujourd’hui, si l’actuelle est une vengeance ou pourrait bien mettre fin aux assauts quotidiens contre l’autorité de l’Etat et ceux qui l’incarne. Plus que les textes, les attitudes comptent davantage en la matière.
Youssouf Sissoko
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