Selon son cabinet contacté, le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Mohamed Ali Bathily serait blanc comme un oignon épluché, dans cette affaire de vente de la place du cinquantenaire, une parcelle de plus de 3 ha située à Bamako, sur les berges du fleuve Niger en face de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines. D’ailleurs, une communication en langues nationales était en cours pour démentir la vente de la place du cinquantenaire, et souligner la distance entre le ministre Bathily et ce genre de dossier, comme celle entre le poisson sec et le fleuve. Mieux, un communiqué de presse était en préparation hier pour clarifier une fois pour toute cette histoire, qui appartiendrait, comme dirait un confrère de la place, à « un scandale monté de toute pièce ». Jusqu’au moment où nous mettons sous presse, ce communiqué de presse annoncé depuis mercredi peine à sortir.
Le cabinet du ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières s’est réuni plus de deux fois hier vendredi, pour tenter d’accorder les violons, afin de montrer une facette honorable. Hélas ! Les faits sont sacrés et têtus, et nul ne peut faire que ce qui s’est passé ne le soit. Le ministre Bathily est au centre de la combine et s’est même mélangé les pédales dans le montage grotesque de cette cession qui jure avec le droit et le fait républicain. La preuve par les textes signés du ministre : l’« Instruction n° 2015 – 0028-MDEAF- MATD/SG du 1er septembre 2015, portant dérogation aux mesures de suspension du traitement de certaines opérations foncières ».
Il s’agit d’une instruction interministérielle, adressée à Madame la Directrice Nationale des Domaines et du Cadastre, aux Gouverneurs de Région et du District de Bamako, ainsi qu’aux maires, et signée de Mohamed Ali Bathily, ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières, et d’Abdoulaye Idrissa Maïga, ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation. Que dit le texte interministériel ? Il indique : « WIPI GROUP USA INC a, par lettre n° Réf : CAV/COM/2/06/15 en date du 25 juillet 2015, exprimé une convoitise et une offre d’achat d’une parcelle sise sur les berges du fleuve en face de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines, pour la construction d’un hôtel de luxe cinq étoiles avec un centre commercial. Par fiche courrier n°2015/MDEAF/2850 en date du 26 juin 2015, transmise à la Direction Nationale des Domaines et du Cadastre (DNDC), le 1er juillet 2015, le Ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières a émis un avis de non objection pour ladite cession et a instruit la DNDC de verser au dossier des demandes de dérogation.
Dans le cadre de la mise en œuvre de l’Arrêté interministériel n° 2015-0205/MDEAF-MATD/SG du 02 mars 2015 portant mesures de suspension des attributions de terrains du domaine immobilier de l’Etat et des Collectivités Territoriales, et conformément à son article 5, dérogation est accordée, suivant avis de la commission interministérielle d’examen des demandes de dérogation à la DNDC pour la cession de la parcelle indiquée ci-dessus au WIPI GROUP USA INC. Les Gouverneurs des régions, les Préfets, les sous-préfets, les Maires, les Directeurs Nationaux des Domaines et du Cadastre, de l’Urbanisme et de l’Habitat sont chargés de l’application de la présente instruction. La présente instruction dérogatoire, qui prend effet pour compter de sa date de signature, sera enregistrée et communiquée partout où besoin sera ».
Les ministres se mélangent les pédales
Un constat clair relevé par notre confrère du Journal Le Sphinx : « le Ministre Mouhamed Aly Bathily prétend que la société américaine a exprimé sa convoitise sur cette parcelle par lettre n° CAV/COM/2/06/15 en date du 25 juillet 2015. Mais curieusement, dans la même instruction, le Ministre prétend qu’il a donné son avis favorable par fiche courrier du 26 juin 2015. Retenez bien ces deux dates : 25 juillet 2015 et 26 juin 2015. Le Ministre Bathily est le seul à avoir le don de se prononcer sur une demande (une convoitise) qui ne sera exprimée qu’un mois plus tard. Bizarre ! ».
Selon nos informations, le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières aurait été iinterpellé sur ce dossier par le Premier ministre. Le ministre aurait nié avoir signé l’Instruction n° 2015 – 0028-MDEAF- MATD/SG du 1er septembre 2015. Ce qui laisse entendre que ce document serait un faux. Mais non. Le Décret N°10 – 401/P-RM du 03 août 2010 autorisant et déclarant d’utilité publique les travaux de construction de la place du Cinquantenaire, a été tout simplement piétiné par une simple instruction ministérielle.
Bathily sur le ban des accusés
De son côté WIPI Group, cette société Soudano-américaine nia de tout bloc, être associé de près ou de loin à une transaction immobilière au Mali, selon un article de Karim Sylla, un bloggeur malien vivant aux Etats-Unis. « Nous n’avons jamais demandé une telle transaction et nous n’avons jamais été informé de cette lettre d’attribution. Généralement, avant de nous engager dans un pays nous créons une entité locale, et nous n’en avons pas au Mali », a déclaré au bloggeur, un responsable de la société. Alors qu’elle n’avait absolument rien à y voir, la société soudano-américaine a été surprise de voir son nom utilisé par deux ministres du gouvernement malien, qui ont signé un document autorisant une transaction. Un faux en écriture ? Faux et usage de faux ? A qui profite cette transaction illicite de la place du Cinquantenaire ? Si ce que dit la société est vrai, à qui la place de l’Indépendance a-t-elle été vendue ? Affaire à suivre !
B. Daou
Source: Le Républicain-Mali 15/10/2015