Depuis cinq à six ans, à l’occasion de la fête de Maouloud, le leader de l’association Ançardine et très écouté prêcheur, Ousmane Madani Haïdara draine des dizaines de milliers de personnes venues de tous les horizons au stade Modibo Keïta de Bamako. Durant une semaine, il tient le haut du pavé jusqu’au dernier jour où il fait des bénédictions pour les fidèles dont certains viennent de l’Amérique, de l’Europe et des pays de la sous-région. C’est justement pour recevoir cette bénédiction que certains ont tenté lundi dernier de toucher le prêcheur comme un porte-bonheur. Coincée à l’une des portes de sortie du stade, celle qui donne directement sur le quartier Médina-coura, un mouvement de panique, s’empare de la foule.
Avec la bousculade, c’est le sauve qui peut. Physiquement plus faibles, de très nombreuses femmes tombent piétinées et étouffées et ne pourront se relever. La porte de sortie devient trop étroite pour la foule qui se presse. Au total, selon de sources hospitalières, le bilan provisoire est de trente-six morts dont trente deux femmes et quatre hommes. On compte également cent douze blessés dont 7 graves toujours hospitalisés.
Les femmes étaient en première ligne et voulaient être touchées par le religieux afin d’être guéries et protégées par lui. Conséquence : elles ont été les principales victimes de la bousculade.
Les blessés ont, pour la plupart, été transportés dans le principal établissement hospitalier de Bamako, l’hôpital Gabriel-Touré, et ont reçu la visite de plusieurs personnalités politiques et religieuses dont le Premier ministre, Modibo Sidibé.
Des policiers en spectateurs
Une tragédie qui intervient un an juste après le drame de Tombouctou à l’occasion de Maouloud 2010, le 26 février 2010 qui a vu une trentaine de personnes perdre la vie, mortes piétinées ou étouffées dans un mouvement de foule provoqué par la panique autour de la plus ancienne mosquée de Tombouctou, Djingareyber. Un drame qui n’a pas malheureusement servi de leçon aux autorités, notamment les services de sécurité.
Lundi dernier au stade Omnisport Modibo Keïta, les forces de sécurité avaient abandonné le terrain aux militants d’Ançardine qui n’ont aucune formation en la matière. « Nous avons remarqué que les policiers qui étaient là, étaient comme tous les autres spectateurs.
Ils ne s’occupaient de rien et le drame qui est arrivé devait arriver plus tard », nous a confiés Moussa Konaté, présent dans le stade au moment du drame.
Quant à Mohamed Ag, ressortissant mauritanien, il s’est étonné « du laisser pour compte des fidèles. Il n’y avait aucun encadrement. Pourtant, des ministres et de hautes autorités étaient dans le stade et ont dû se rendre compte du danger qui planait car les lieux étaient débordés de monde ».
Les stadiers que nous avons rencontrés hier matin, pointent eux aussi un doigt accusateur sur les agents de sécurité. Ils soutiennent qu’au moment des faits (aux environs de 19 heures), les forces de l’ordre qui n’étaient pas déjà suffisantes, étaient plutôt préoccupées par la sécurité du prêcheur Ousmane Chérif Madani Haïdara, qu’elles escortaient après les bénédictions finales.
C’est en ce moment, ajoutent-ils, que la foule s’est retrouvée au niveau des portes de sortie, lesquelles étaient toutes ouvertes. Ils ajoutent que chacun voulant sortir de l’enceinte au même moment, cela a donc entraîné la bousculade dans laquelle 32 femmes et 4 hommes ont trouvés la mort.
Ils disent que ce n’est pas la première fois que le stade abrite un tel évènement, mais pourtant les choses se passent bien sans bousculade tout simplement parce que les policiers prennent toutes les dispositions pour faire face à la situation.
Mais cela n’était pas le cas le lundi dernier, ont-ils ajouté.
Des arguments que le directeur régional de la police de Bamako, le contrôleur général Lancina Sanogo, a tenté de battre en brèche.Il explique le drame par l’empressement des participants à vouloir sortir au même moment.
Ce qui, selon lui, ne pouvait que provoquer la bousculade.
Une explication très courte qui ne semble convaincre personne.
Abdoul Karim Maïga et Abdoulaye Diakité
L’ Indicateur Renouveau 23/02/2011