Après le départ aux forceps de Soumeylou Boubèye Maiga de la Primature, le choix du Président de la République s’est porté sur le jeune technocrate, auparavant ministre de l’économie et des finances, Docteur Boubou Cissé pour constituer une équipe de mission. Un an après la mise en place de cette équipe, le Mali est toujours à la case départ, tant les crises se sont multipliées et les solutions quasi absentes. Hormis les élections législatives qui viennent de se tenir et qui ne sont pas d’ailleurs exemptes de reproches, les autres grandes préoccupations n’ont guère connu d’avancées notoires. De la crise sociale, à la relance de l’économie en passant par la crise sécuritaire, le Mali est toujours la risée du monde. La montagne d’espoirs que la nomination de Boubou a fait miroiter n’a-t-elle pas accouché d’une souris ? Après les législatives, le Président de la République n’a-t-il pas l’occasion de rectifier le tir ? Boubou Cissé a-t-il fait mieux que Soumeylou Boubèye Maiga ?
La nomination du jeune docteur en économie, Boubou Cissé avait suscité beaucoup d’espoirs pour deux raisons fondamentales. D’abord sa neutralité politique et ensuite sa technocratie. C’est, semble- t-il, ces deux atouts qui ont guidé IBK , en plus de la Primature, à lui donner la clé des finances. Ces deux données qui auraient dû être des qualités, ont fini par être ses principaux défauts. En un an de gestion des affaires publiques, les attentes sont loin d’être comblées, car la situation globale du pays va de mal en pis. En français facile, rien ne va au Mali. Doit-on reconduire une équipe qui a échoué ? Seul le Président de la République est à même de répondre à cette question, lui qui a été investi de la mission de conduire les affaires du peuple. En attendant, nous allons essayer de jeter un regard critique sur le bilan d’une année de gestion par l’équipe dirigée par Boubou Cissé.
Sur le plan politique
C’est une première fois au Mali qu’un Premier ministre fasse un an sans présenter la Déclaration de politique générale de son gouvernement. En plus de la violation d’un des sacro saints principes de la démocratie, le gouvernement dirigé par Boubou Cissé n’a fait qu’un pilotage à vue. Et pourtant, nombreux étaient les acteurs politiques qui avaient nourris l’espoir de voir mener des réformes politiques majeures avant la tenue des législatives. Parmi ces réformes, on pourrait citer, entre autres, la relecture de la loi électorale afin de pouvoir réviser le mode de scrutin concernant les législatives et minimisant surtout les cas de fraude. Ces réformes ont été renvoyées aux calendes grecques. Que dire du nouveau découpage administratif qui devrait avoir comme conséquence non seulement la création réelle et non pas factice, de nouvelles régions, mais aussi et surtout, leur prise en compte dans les législatives qui viennent de se dérouler. C’est d’ailleurs pour parer au plus pressé et faire plaisir aux ex rebelles que le gouvernement voudrait organiser des élections anticipées dans certaines localités du nord, ce qui ne manquera pas de susciter un tollé général au sein de la classe politique et même de la société civile.
Sur le plan sécuritaire
Alors que le prédécesseur de Boubou Cissé, à savoir Soumeylou Boubèye Maiga, avait été accusé à tort ou à raison d’être le pompier pyromane dans la grave crise sécuritaire au centre du Mali, Boubou n’a pourtant pas fait mieux que lui. La situation s’est même empirée sous son règne laissant ses fervents défenseurs dubitatifs. Il ressort aujourd’hui de toutes les statistiques qu’il y ait eu plus de morts sous Boubou Cissé que sous son prédécesseur SBM. L’insécurité s’est tellement propagée un peu partout dans le pays que même la première région qui était jusque-là épargnée des attaques a eu sa dose. La preuve la plus irréfutable de l’exacerbation de la situation sécuritaire est l’enlèvement en pleine journée de la deuxième personnalité de la République, Soumaila Cissé à Niafunké dans la région de Tombouctou.
Sur le plan socio-sanitaire
Jamais le Mali n’a connu une telle crise socio-sanitaire aux conséquences dramatiques. Qu’on ne s’y trompe pas la pandémie du COVID-19 a trouvé une crise sociale aiguë, caractérisée par plus de trois mois d’arrêt des cours à l’école. Quant à La pauvreté, elle n’a jamais reculé et rares sont les citoyens maliens qui mangent les trois repas quotidiens. Ils sont tout aussi rares ceux qui ont accès aux services sociaux de base. Si beaucoup d’analystes dédouaneront le gouvernement Boubou Cissé par rapport à la pandémie du COVID-19, sa responsabilité reste entière dans la gestion de cette pandémie. Laquelle gestion est loin d’être orthodoxe.
Sur le plan économique
La relance de l’économie a été l’une des raisons fondamentales de son choix pour diriger le gouvernement. Là également, les fruits n’ont pas respecté la promesse des fleurs. Rarement, notre économie ne s’est portée aussi mal que maintenant. Le Premier ministre qui se trouve être le ministre des Finances, a créé une certaine lourdeur privant les opérateurs économiques de fonds au nom d’une certaine bonne gestion. La corruption censée être le principal frein bloquant la relance économique a de beaux jours devant elle car sa lutte véritable a été semble-t-il ignorée. L’économie serait même en récession et le seul combat que le gouvernement est en train de mener est celui du paiement régulier des salaires des fonctionnaires, dont certains sont déjà à trois mois de retard, en l’occurrence les enseignants.
En définitive, l’éléphant annoncé est arrivé avec un pied cassé et le Mali est toujours à la case départ. Le Président de la République est le seul au Mali à avoir la clé de la solution, surtout après les législatives qui ont donné une nouvelle configuration du jeu politique malien.
Youssouf Sissoko