Mais depuis lors, tout comme passent les saisons et les climats, certains de ces styles musicaux sont passés de mode, après avoir traversé les temps et les âges ; mais d’autres restent encore implantés dans l’univers musical. Mais aucun de ces modes ne s’est incrusté dans l’espace et le temps au point de revendiquer le statut de religion, à l’instar du mouvement rasta.
Un mouvement mal compris ?
De nos jours, et même au plus fort du mouvement, plus de 70% des « adeptes » et « pratiquants » du rastafarisme ignorent et son histoire, et ses origines. Aussi, c’est avec un humour teinté d’ironie que le chanteur ivoirien, Seydou Koné alias « Alpha Blondy » chantait : « Il y des rastas poueh, il y a des rastas fous, il y a des rastas cools ». Autant dire que les adeptes du rastafarisme sont répertoriés en trois catégories.
Les « rastas poueh » sont ceux qui adhèrent au mouvement par effraction, pourrait-on dire. Ils ne font pas partie de « la famille », car ils n’obéissent pas à ses règles, principes et préceptes. En réalité, ils ne sont rastas que par suivisme ou par vague à l’âme : une façon comme une autre de sortir de l’ordinaire, de se faire un nouveau look ou de cacher certaines impulsions comme la gêne, la timidité ou le complexe d’infériorité. Quant aux « rastas fous », ils n’adhèrent au mouvement que pour mieux s’adonner à leurs penchants pour les drogues et autres stupéfiants. Du reste, ce sont eux qui ont le plus contribué à ternir la personnalité des adeptes dits « purs et durs » du mouvement. Ce sont plutôt les « rastas cools » qui ont réellement assimilé et compris le sens du mouvement, qui respectent et honorent sa « religion », ses statuts, principes, préceptes, coutumes, interdits…
Une religion orthodoxe ?
Se fondant sur une certaine prophétie de la Bible (Ancien testament) sur le « couronnement de Sa majesté impériale, Haïlé Guébril Selassié », le mouvement a commencé à se répandre surtout en Jamaïque. Pour rappel, le premier Président éthiopien, issu de la tribu de Judas (dit Iscariote), était un descendant de la lignée du Prophète Salomon (PSL) et de la Reine de Sabah d’Ethiopie. Selon la philosophie rastafariste, le couronnement de Haïlé G. Selassié le 2 novembre 1930 consacre la réalisation de ladite prophétie biblique : l’apparition du mouvement rasta. Et selon les adeptes du mouvement, le devoir des rastafaristes, c’est de se rassembler, à l’instar des 12 tribus d’Israël (tel que mentionné dans l’Ancien Testament) pour la recherche du peuple choisi par Jah (Dieu). Un peuple dispersé aux quatre coins du monde et dont on ferait cas dans la Bible.
Toujours selon eux, un rasta doit s’abstenir de consommer de la chair animale, au besoin, rester végétarien. Il doit avoir les cheveux naturels, non peignés, ni coiffés, comme le préconisent les écrits bibliques. A l’intention de ces « descendants d’Abraham », ces écrits préciseraient : « La consécration est sur notre tête. Aussi, aucun rasoir ne doit aller sur aucune partie de notre crâne. Chaque cheveu est comptabilisé et a une signification, donc ne doit être coupé par aucun instrument de Babylone (l’Occident, NDLR). Pour la femme, la chevelure est une couronne et doit donc être couverte en présence du seigneur Jah ».
Bob Marley et le rastafarisme
Après les succès spectaculaires enregistrés par les chansons de l’artiste jamaïcain, Robert Nesta Marley dit « Bob », le mouvement a connu un boum fulgurant et s’est vite répandu à travers le monde. En plus de prôner l’union des races et des pays et de combattre le racisme, les paroles et le combat de Bob Marley reposent essentiellement sur la défense des règlements du mouvement rasta. « Le rastafarisme est une religion orthodoxe dont la doctrine reconnaît Sa Majesté impériale, Haïlé Selassié, premier descendant du roi Salomon (PSL) et de la Reine Sabah, comme le Seigneur Jésus Christ (PSL) dans sa seconde manifestation », soutenait-il.
Robert Nesta Marley est né le 6 février 1945 à Rhoden Hall, à Saint Anns, dans le Nord de la Jamaïque. Vers l’âge de 8 ans, il vient à Kingston (capitale de la Jamaïque), notamment dans le quartier de Trench Town. Il délaisse les études et commence à chanter dès l’âge de 17 ans. Avant de mourir le 11 mai 1981 à l’âge de 5 ans, d’un cancer très avancé, il avait marqué la jeunesse et des générations entières (tous âges et nationalités confondus) non seulement par la force et la conviction de ses chansons, mais aussi grâce à des tubes désormais restés célèbres : entre autres, « One love », « No woman no cry », « Redemption songé…Du reste, c’est grâce à lui que beaucoup de personnes ont adhéré au mouvement. Ce mercredi 11 mai consacre le 30è anniversaire de la mort de celui qui avait toujours été considéré comme « L’apôtre mondial » du mouvement rastafariste.
Les « Wailers »
Les véritables fondateurs de ce groupe musical à vocation exclusivement rastafariste sont composés de cinq hommes et de trois femmes. Né à Kingston, le batteur Carlton Barrett, qui évoluait avec Bob Marley depuis 1969, est issu de la tribu de Gad. Quant à l’organiste du groupe, Tyrone Downie, surnommé « Organ D. » (il joue de l’orgue), il est également né à Kingston. Issu de la tribu de Siméon, il a rencontré le bassiste Aston Barrett (frère de Carlton) en 1970 et a rejoint le groupe la même année. Il a enregistré avec tous les musiciens jamaïcains, ainsi qu’avec Rico et Joe Cooker.
Le guitariste Julian Marvin Junior est également né en Jamaïque ; mais il a grandi à Londres et à New York. Lui aussi est issu de la tribu de Siméon et a travaillé avec beaucoup d’artistes tels que Bone T. Walker, Billy Preston, Stève Winwood, Ike et Tina Turner…Mais pendant très longtemps, les Wailers sont restés son groupe favori. C’est en janvier 1977 que Julian rencontre Bob Marley à Londres. Et c’est le patron de la fameuse firme anglaise « Island », Chris Blackwell, qui les présente l’un à l’autre. Julian Marvin Junior a participé à l’enregistrement des fameux titres de Bob Marley, « Exodus » et « Kaya man ». Aston Barrett, dit « Family Man », est le frère de Carlton Barrett. Né également à Kingston, il a travaillé si durement avec son instrument qu’il est considéré comme « le plus dangereux » des bassistes de la vague reggae. Tout comme son frère, il a rejoint Bob Marley entre 1969 et 1970. Il a participé à l’enregistrement du tube « Catch a fire » de Bob Marley avec la firme « Island ». Aston avait beaucoup d’enfants : d’où son surnom de « Family Man ».
Tout comme Bob Marley, le percussionniste du groupe, Alvin Paterson dit « Seeco », est né à Saint Anns ; mais il est issu de la tribu de Siméon. Il a passé la majeure partie de sa vie à Kingston et a travaillé au préalable avec Lord Flea (un grand du reggae) et plusieurs orchestres de jazz et de calypso. C’est au début de l’année 1960 qu’il a rencontré Bob Marley à Trench Town, alors qu’il travaillait avec Joe Highs (un autre grand du reggae). Depuis lors, il a évolué avec les « Wailers ». C’est même lui qui a enseigné le rythme à Bob Marley.
Trois en Une
Rita Marley, Judey Mowatt et Marcia Griffith ! Trois choristes des « Wailers » aux voix suaves, aussi unies que les doigts de la main, tant dans le monde musical que dans la vie active. Trois amies inséparables et trois des meilleures voix féminines de Jamaïque. Elles avaient acquis une telle célébrité qu’on les avaient surnommées « The One Threes », c’est-à-dire « Les trois en Une ». C’est dire qu’à les entendre chanter sans les voir, on avait l’impression de n’entendre qu’une seule voix. Les « One Threes » avaient effectué toutes les tournées de Bob Marley et des « Wailers ». Mais chacune d’elles avait fait ses propres disques. Elles avaient même effectué une tournée mémorable au Canada, mais seules et sans les « Wailers ». Quant à Rita, elle deviendra plus tard l’épouse de Bob Marley avec qui elle aura des enfants, dont Ziggy Marley qui s’était également lancé dans la musique reggae et comptait même reprendre le flambeau après le décès de son père.
Mais ce qui est sûr, c’est que ni le fils Ziggy, ni même les successeurs de Bob Marley ne pourront jamais l’égaler, tant sur le plan de la perspicacité de ses chansons que sur celui de la défense du mouvement. C’est dire que le mouvement ne sera plus comme au temps du vivant de Bob Marley, car une grande partie des valeurs du rastafarisme s’éteindra avec la disparition du « Pape du reggae ».
Par Oumar Diawara « Le Viator »
Le Patriote 11/05/2011