Hier lundi, IBK a célébré pour la deuxième fois le 22 septembre en tant que président de la République sans la 8e région, Kidal. Malgré l’euphorie suscitée par son élection, la situation n’a pas évolué dans la région de Kidal qui échappe toujours au contrôle du pouvoir central.
Une situation qui soulève questions et interrogations et, du coup, montre la délicatesse de la gestion de l’Adrar des Ifoghas attribuée à tort ou à raison aux Touaregs. Car, bien avant l’indépendance nationale du Mali, le sujet a été le talon d’Achille des différents régimes qui se sont succédé.
Si le 1er président Modibo Kéita a su gérer la furie des Hommes bleus, son tombeur Moussa Traoré a joué sur une carte de la répression, mais sans jamais parvenir à trouver une issue définitive. Les Maliens ont en mémoire la rébellion de 1990 qui a contribué à son départ du pouvoir. La suite est connue : un Pacte national engageant le gouvernement du Mali et les représentants des groupes rebelles a été signé. Ce qui a permis de faire observer un climat d’accalmie dans le Nord.
Sous le régime démocratique d’Alpha Oumar Konaré, après des velléités irrédentistes, il a été scellé un autre pacte faisant état de la fin de la guerre. En 1996, la Flamme de la paix a été organisée à Tombouctou. Dans la foulée, les acteurs de la rébellion ont été intégrés dans différents secteurs d’activités (administration, armée, sécurité…) A travers une politique de discrimination positive, les plus hautes autorités du pays pensaient en finir avec l’instabilité dans le septentrion.
Mais, sous le général ATT-II, en 2006, le Nord renouera avec le même irrédentisme touareg ponctué de violences, d’agressions armées, d’actes de sabotages, etc. Des déclarations de guerre matérialisées par une série d’attaques contre les garnisons d’Abeïbara et dans d’autres localités. Le pouvoir d’alors a calmé les ardeurs en signant « l’Accord d’Alger ». Un pacte qui sera différemment apprécié par l’opinion nationale.
Fin 2011, la situation se corse avec un retour massif de la Libye d’ex-combattants touaregs lourdement armés. En dépit de toutes les preuves de bonne foi des autorités de l’époque à leur endroit, ces Maliens rentrés avec armes et bagages au bercail n’avaient qu’une seule intention : celle de déclencher les hostilités contre la patrie-mère !
Ainsi, toutes les tentatives de dialogue ont vouées à l’échec. Avant, c’est la création du Mouvement national de l’Azawad (MNA), devenu par la suite Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) nourrit par des velléités séparatistes qui inquiétait les autorités nationales.
En moins de 4 mois seulement (de novembre 2011 à mars 2012), le MNLA, appuyé par des groupes terroristes, parvient à chasser l’armée malienne des principales villes du Nord. Et face aux campagnes de démoralisation des forces armées et de sécurité, interviendra une mutinerie ayant aboutit à un coup d’Etat militaire qui a favorisé l’occupation des deux tiers du territoire national par les groupes rebelles et les terroristes.
Dans la foulée, les groupes armés (sécessionnistes et jihadistes tous confondus) se sont livrés à des actes criminels les plus inqualifiables entraînant un exode massif des populations vers les pays voisins et dans le Sud du Mali.
Un héritage difficile
Si la junte, qui avait pris le pouvoir n’a pas pu trouver solution à la crise du Nord, les autorités de transition, quant à elles aussi, y brillaient par une absence quasi-totale. En fait, elles ont eu du mal à abréger les souffrances des populations restées sur place. Ce qui fera que le déclic ne parviendra qu’après l’intervention militaire française.
Un accord a été signé le 18 juin à Ouagadougou permettant l’organisation de l’élection présidentielle sur l’ensemble du territoire national y compris la région de Kidal présumée fief du MNLA et ses alliés. Dans ces accords, il était question de procéder au cantonnement, suivi du désarmement et le tout couronné par la réinsertion des ex-combattants.
Mais, la réalité étant ce qu’elle est, rien n’a été, pour l’instant, fait dans ce sens. Et, en revanche, c’est la présence de l’armée malienne qui a été limitée, le retour de l’administration empêché, le contrôle de la région de Kidal échappe à l’Etat malien… C’est ce lourd héritage que Dioncounda Traoré a légué à son successeur, Ibrahim Boubacar Kéita, qui doit travailler dur pour ramener Kidal sous le contrôle effectif du gouvernement malien.
Et durant un an au pouvoir, IBK a tenté de gérer au mieux la question relative à l’occupation de Kidal. Mais là ou tout a chamboulé, c’est le voyage du Premier ministre en mai dernier et finalement la région de Kidal est retombée entre les mains de séparatistes et terroristes.
Dans cette optique, la communauté internationale en général et, singulièrement, la France est accusée à tord ou à raison d’agir implicitement en faveur du MNLA. Ce qui explique la sortie enflammée d’IBK lors d’une visite en France sur le cas Kidal.
« Nous assistons, hélas, à une situation où la présence de ces troupes a empêché le Mali de rétablir l’autorité de l’Etat à Kidal, alors qu’il l’a fait à Gao et à Tombouctou. Nous ne sommes pas naïfs, la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) est retournée à Kidal dans le sillage des troupes qui sont venues nous libérer. La libération s’est faite de manière conjointe jusqu’aux abords de Kidal, où, là, on a bloqué les Maliens. Pourquoi ? Serions-nous des barbares d’une autre époque qui, une fois à Kidal, se mettraient à massacrer tout le monde ? Je ne comprends pas que Kidal ait été une exception… Aujourd’hui, les Maliens s’interrogent », déclarait IBK dans le journal « Le Monde ».
La réaction de la France a été, on ne peut plus claire, en rétorquant au président Ibrahim Boubacar Kéita, d’avouer que la « solution se trouve entre ses mains ». De quoi lui mettre dans un dilemme qui ne dit pas son nom.
Sur le terrain, un cessez-le-feu a été obtenu et quelques semaines une feuille de route a été signée à Alger. Cependant, les groupes armés qui ont fait croire leur volonté de reconnaître l’intégrité, avant de clamer dans une autre plate forme un statut particulier pour le Nord. Plus décevant à la faveur de la 2e phase des négociations à Alger, la coordination (MNLA, HCUA, MAA) continue à jouer la politique de la chaise vide. Même si un accord définitif est attendu de façon imminente, des défis énormes se présentent au régime d’IBK.
D’abord, il sera appelé à cantonner et désarmer les groupes armés, renforcer la présence de l’armée nationale dans la région, et procéder à la réinsertion socioéconomique des ex-combattants. Mais, aura-t-il les moyens de réussir ce challenge sans le soutien de la France elle-même et de la communauté internationale ? C’est là toute la question. D’autant plus qu’il a l’obligation de nourrir les combattants, de faciliter leur insertion dans la vie active une fois que ceux-ci acceptent d’être cantonnés et de déposer définitivement les armes.
Autre aspect du dilemme d’IBK, c’est celui de savoir s’il sera possible de faire, cette fois-ci encore, réintégrer ces ex-combattants dans les effectifs des forces armées et de sécurité du Mali. En outre, ne pas oublier que l’Etat malien doit permettre à la justice de juger ceux qui se sont rendus coupables de crimes.
En définitif, le véritable défi pour IBK est d’obtenir une paix durable dans le Nord en particulier à Kidal pour que la question dite touarègue puissent être gérer. En somme, l’important est de parvenir à avoir l’adhésion de tous les groupes et mouvements armés au processus de paix enclenché sous l’égide de la communauté internationale.
Alpha Mahamane Cissé
Source: L’ Indicateur Du Renouveau 2014-09-23 19:19:50