Blocage dans la mise en œuvre de l’Accord Chaudes empoignades entre le CSA et la CMA

Qui est responsable des blocages dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali deux ans après sa signature ? Ahmed Boutache, le président du Comité de Suivi de l’Accord(CSA) pointe un doigt accusateur vers la Coordination des Mouvements de l’Azawad(CMA) qui refuse, selon lui, « d’honorer son engagement solennellement pris de libérer le bâtiment qu’elle occupe à Kidal afin de permettre, ainsi, la mise en place du MOC de Kidal. » Et comme une réponse du berger à la bergère, la CMA s’explique et apporte des clarifications sur les accusations qui sont portées à son encontre. Selon Ould Sidatti, le représentant de la CMA au sein du CSA « la CMA a été la Partie à l’Accord qui a toujours respecté ses engagements dans les moindres détails malgré toutes les difficultés ».

C’est par lettre interposée que le Comité de Suivi de l’Accord et la Coordination des Mouvements de l’Azawad règle leur divergence sur les blocages dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali qui vient d’avoir deux ans.

Le CSA menace la CMA
Tout à commencer le mardi 23 mai 2017. Après une réunion extraordinaire entre les membres de la Médiation Internationale et les représentants du gouvernement malien, le président du Comité de Suivi de l’Accord(CSA) Ahmed Boutache adresse une lettre à Brahim Ould Sidatti, le représentant de la Coordination des mouvements de l’Azawad(CMA) pour demander à la CMA d’honorer son « engagement solennellement pris de libérer le bâtiment qu’elle occupe à Kidal afin de permettre, ainsi, la mise en place du MOC de Kidal. ».
Selon Ahmed Boutache, cette attitude de la CMA, « qui participe d’une volonté manifeste de blocage de la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger, ne sert nullement les intérêts de la paix dont la construction cristallise tous nos efforts. » « Vous conviendriez certainement que l’attitude de la CMA, qui participe d’une volonté manifeste de blocage de la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger, ne sert nullement les intérêts de la paix dont la construction cristallise tous nos efforts », indique, dans sa lettre, l’ambassadeur Boutache.

Le diplomate algérien a fustigé ce qu’il appelle une « attitude négative, préjudiciable à maints égards à la concrétisation de nos objectifs fondamentaux communs, ne peut que conduire, au bout du compte, à retarder davantage la mise en œuvre de l’Accord qui a déjà enregistré un retard notable relevé et pointé du doigt par tous, et, en même temps, priver les populations du Nord d’accéder enfin aux dividendes de la paix et de la réconciliation dont l’attente s’éternise du fait de manœuvres politiciennes aux desseins inavoués condamnables. »

« Au nom de la Médiation Internationale, lasse de toutes ces tergiversations et de tous ces rebondissements dénués de tout sens et contre-productifs, je vous exhorte à honorer, sans délai, l’engagement pris d’évacuer le bâtiment occupé par vos hommes en armes à Kidal. Ce sera là, pour la CMA, la seule possibilité et la chance ultime de garder encore une certaine crédibilité et une certaine respectabilité et de continuer à être un partenaire dans la construction de la paix. », Selon Ahmed Boutache.
Le président du CSA menace la CMA de sanctions si , « dans les plus brefs délais, la CMA ne fait pas le geste de bonne volonté attendue d’elle, d’évidence, indique Ahmed Boutache, elle fera l’objet d’une condamnation unanime de la communauté internationale et s’exposera à des mesures contraignantes dont la toute première sera la suspension, avec effet immédiat, du règlement des indemnités de ses représentants au sein du CSA et des sous-comités thématiques. »

La CMA victime des tergiversations, selon Ould Sidatti
La réponse de la CMA ne se fera pas attendre. A peine une journée écoulée après réception de la lettre de Boutache, le mercredi 24 mai, Ould Sidatti va répondre, avec véhémence. « Nous sommes convaincus que de façon générale, la CMA a été la Partie à l’Accord qui a toujours respecté ses engagements dans les moindres détails malgré toutes les difficultés », dit-il, dans sa lettre adressée au président du Comité de Suivi de l’Accord. Il ajoutera : « A partir de cet axiome, la CMA ne saurait être associée à une quelconque manifestation tendant à bloquer ou desservir les intérêts de la paix et de la réconciliation issu du processus d’Alger, qui entache délibérément sa crédibilité. »

Ould Sidatti va aussi s’étonner du ton et du contenu de la correspondance du président du CSA : « nous sommes à la fois surpris et étonné du contenu et du ton de votre correspondance qui impute à la seule CMA d’une manière explicite tous les retards et la mauvaise foi dont souffre la mise en œuvre de l’Accord. »
Selon le représentant de la CMA et signataire de l’Accord de paix, « nous rappelons, que depuis la signature de l’accord, maintes manœuvres politiciennes aux desseins inavoués, à l’origine du retard reconnu par tous, ont été dénoncées plusieurs fois par la CMA sans susciter autant de récriminations de la part du Président du CSA. »

« Nous regrettons profondément le fait que le Président du CSA occulte toute notre détermination à faire avancer un processus qui tarde à trouver ses marques deux ans après la signature de l’Accord qui en est issu », indique, dans sa réponse, Ould Sidatti. Faut-il encore rappeler, ajoute –t-il, que la CMA est au contraire victime des tergiversations auxquelles vous faites allusion et qui portent un grave préjudice à notre crédibilité vis à vis de ceux qui nous mandatent.

« Tenir compte des contraintes en lieux et places des stigmatisations »
Pour ce qui est de l’opérationnalisation du Mécanisme Opérationnel de Coordination(MOC), explique Ould Sidatti, la CMA a déjà payé un lourd tribut le 18 janvier dernier à Gao « à cause de négligences et défaillances notoires en lien avec les mesures sécuritaires. » Cette fois ci, selon lui, la CMA mesure toute sa responsabilité pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise partout où seront regroupés ses hommes.

« Pour des raisons d’ordre sécuritaires objectives, le camp I de Kidal étant un point névralgique pour la sécurisation de la ville qui incombe à la CMA jusqu’à preuve du contraire, des arrangements d’un commun accord avec la MINUSMA ont été convenus pour accueillir dans les meilleurs délais et les meilleures conditions les éléments du bataillon MOC », indique Ould Sidatti. Il invitera, enfin, le président du CSA, « de tenir compte de l’ensemble des contraintes liées à la mise en œuvre de l’accord en lieux et places des stigmatisations contre productives. »

Deux ans après la signature de l’Accord, l’Accord traine dans son application, les réfugiés et les déplacés ne sont pas encore de retour, le MOC et le DDR rencontrent aussi des problèmes. Pire, on assiste à une recrudescence d’actes terroristes contre les forces militaires maliennes et étrangères et les conflits intercommunautaires au Centre du pays prennent des proportions inquiétantes.
Madiassa Kaba Diakité
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L’argent, le nerf de la guerre ?
Lors de l’échange entre le président du CSA et le représentant de la CMA, il a été question aussi d’argent. Selon Ahmed Boutache, « les indemnités, au titre du mois d’avril, ont été prises en charge par le gouvernement de la république du Mali. » Ce geste de bonne volonté, de l’avis du président du CSA, constitue aussi un sacrifice pour le gouvernement malien, au regard de ses contraintes financières. Le diplomate algérien demande, pour compenser l’effort de la partie malienne, un « geste de bonne volonté» de la part de la CMA qui, de son avis, a « plutôt choisi, une fois de plus et une fois de trop, de ne pas honorer ses engagements. » A ces propos de Boutache, Ould Sidatti répond : « Nous sommes au désespoir voire même sidérés de constater que le Président du CSA subordonne notre engagement pour la mise en œuvre intégrale de l’accord à d’obsolètes rétributions pécuniaires vues comme sacrifices compensables des parties qui les prennent en charge». En tout état de cause, la CMA, assure Ould Sidatti, « demeure sereine pour jouer sa partition dans la conduite du processus malgré toutes les contraintes et ne saurait se laisser intimider par des pressions démesurées et des ultimatums non justifiés ». Comme quoi le processus de paix au Mali est dans des sales draps.