« La crise des migrants », c’est le sujet-vedette qui, à longueur de semaine, n’en finit plus de défrayer l’actualité. Les Européens, dont le continent est la destination favorite de cette nouvelle espèce humaine baptisée par eux « migrants », pris de court par le phénomène, sont totalement désemparés. Des informations diffusées sur leurs chaines internationales sont émaillées d’expressions comme la « jungle de Pas de Calais », « les Européens divisés devant le flux des migrants sur le chemin des Balkans ».
Ici, des murs sont élevés pour se barricader devant l’afflux des migrants. Là, des réunions sont tenues qui fixent des quotas, sur fond de discorde et de querelles de chiffonniers. Des initiatives sont prises à l’emporte pièce mettant à mal l’accord de Schengen dans une Europe dont la belle unité forçait, jadis, l’admiration de tous, mais qui, à présent, est au bord de l’implosion. Une panique générale s’est emparée du vieux continent. C’est la peur ! L’Europe a peur d’être phagocytée par ces Alliens anthropophages, venus de la planète Mars.
Et pourtant, à voir de très près, les Européens n’ont pas à être aussi surpris que cela par le phénomène des migrants car ce sont les conséquences fâcheuses des actions qu’ils ont menées au Moyen Orient, de concert avec l’Oncle Sam. Les migrants qui nous intéressent ne sont-ils pas, pour la plupart, des Syriens ou des Irakiens ? Les « Printemps Arabes » – dont la crise syrienne est un des enfants-monstres – ont été suscités, voire réalisés, moyennant des techniques de subversion bien rodées. Avec à la bouche les mots « liberté », « humanisme » et « valeurs universelles » mais les yeux rivés sur les richesses naturelles de ces pays et autres enjeux géopolitiques.
Pour le cas de l’Irak, certains des protagonistes de ce chaos, engendré sous Bush Jr, ont le cynisme de reconnaître, aujourd’hui, via des documentaires télévisés, qu’ils ont commis des erreurs – quel euphémisme ! – en marginalisant, au double plan politique et militaire, après l’invasion, les partisans de l’ex-dictateur Saddam Hussein qui forment, aujourd’hui, le noyau dur de l’Etat islamique. Les crimes innommables de ces terroristes-jihadistes sont condamnables à tous points de vue. Mais entre nous, qui les a créés et renforcés ? Qui continuent de les manipuler au nom d’intérêts géostratégiques inavouables ? Au risque de se transformer en éternels pêcheurs en eaux troubles et autres pirates des hautes mers, comme au bon vieux temps de l’accumulation primitive du capital ? Les « Printemps Arabes », dont personne ne parle plus jamais, sont tout simplement devenus des « Enfers Arabes ».
S’agissant des réfugiés économiques, donc de l’Afrique, cas qui nous intéresse au plus haut point, nul besoin de rappeler que les pays dits industrialisés, malgré les slogans lancés au fil des décennies par leurs bras armés économiques et financiers, la Banque Mondiale et le FMI, n’ont jamais voulu faire des pays de ce continent des partenaires viables. Ils n’ont jamais voulu voir en eux, dans la division internationale du travail qu’ils ont imposée, que de vulgaires fournisseurs de matières premières. Comme l’a dénoncé, à bon droit, l’économiste égyptien Samir Amin. Les Européens n’ont donc pas à être surpris de ce retour de manivelle qu’est « la crise des migrants ». Qui a encore dit que le hasard est le plus court chemin emprunté par Dieu pour se faire discret ?
Yaya Sidibé