Billet d’humeur « Djo Brin », les Maliens sont « fâchés »

Pour dénoncer les errements du pouvoir en place, les rappeurs maliens ont décidé de donner de la voix. Conscients de leur rôle crucial dans la construction du Mali, Damarfa, Mylmo, Master Soumi, Tal B…, désenchantés comme la plupart des Maliens, ont concocté des textes extrêmement travaillés et recherchés, pour inciter le président IBK à revoir sa copie dans la gestion du pays : Confession du Président, Yabé 2012 , (Mylmo), Toukoutoukou Bari Bari, Gwèlèkan (Master Soumy) et Inchallah, le nouveau single de Tal B, le rappeur malien connu pour ses clashes virulents contre ses collègues.
Dans ce nouvel opus, « Halala », surnom que lui attribuent ses fans, Tal B sort de son registre habituel et rejoint la catégorie de rap conscient, un mouvement qui dénonce les injustices, le chômage, la corruption, et cherche surtout à faire participer la population et principalement les jeunes, dont l’un des précurseurs au Mali est le groupe mythique Tata Pound. Le genre musical est aujourd’hui incarné au Mali par les paroliers Mylmo et Master Soumi. Tal B dépeint, dans le son, le sentiment qui anime, selon lui, les Maliens trois années après l’arrivée d’IBK à la magistrature suprême du Mali. Dans une mélopée lyrique, Tal B enchaine ses diatribes contre le pouvoir IBK : « Le pays est sec. Les pauvres sont devenus encore plus aigris. Djo Brin il faut « sciencer » un peu, les Maliens estiment qu’il est temps d’arrêter de parler. L’argent ne circule plus. Tout le pays est fâché. «Inchallah, Inchallah», Djo brin, il est temps de changer de disque. On ne construit pas un pays par des slogans. On t’a choisi par ce qu’on te faisait confiance », psalmodie le rappeur. Et l’agitateur de conscience d’ajouter : «Un an, deux ans plus tard on attend toujours que tu tiennes tes promesses. Le pays marche sur un seul pied. Les écoliers ne sont pas dans les bonnes conditions d’études. Les diplômés s’interrogent : où sont passés nos 200 000 emplois ? Les Maliens (ménagères, chauffeurs de Sotrama, chefs de famille, l’armée …) m’ont chargé de te dire qu’ils sont fâchés. Depuis longtemps, trop de promesses ont été prises et rien n’a changé. Le Nord est toujours occupé, les jeunes se font tuer, Gao pleure, le banditisme augmente, les jeunes pleurent… Inchallah ne construit pas un pays…» Les textes engagés de ces rappeurs maliens, très en verves, pourront-ils apporter un quelconque changement au Mali comme c’est fut le cas au Sénégal ? Dans ce pays proche, le rap a joué un grand rôle dans la vie politique. A deux reprises, l’engagement des rappeurs sénégalais auprès des jeunes a favorisé l’alternance au sommet du pouvoir.
M.K. Diakité