La manifestation culturelle, qui enregistre la présence des délégués de chacune de nos entités administratives, de la communauté malienne vivant à l’extérieur, des touristes et de nombreux visiteurs des pays voisins, est non seulement une occasion pour la culture malienne de se revisiter elle-même, de délivrer son message diversifié, d’exposer ses potentialités mais aussi une occasion pour les commerçants, les artisans, les ouvriers, les taximan et autres hôteliers de développer leurs affaires. En drainant tant de monde, elle permet aussi de donner de la société une peinture réaliste. Ainsi, pour les prostituées, la biennale offre l’occasion à larronnes en foire.
Elles en profitent du mieux qu’elles peuvent. Tel que l’exige leur métier, le plus vieux du monde dit-on, elles se meuvent sans vergogne, abordant les clients avec mille malices, gestuelles affinées et clignotements des yeux : des opératrices économiques très dégourdies ! Les hôtels, qui mettent à disposition des chambres à des prix abordables, ne peuvent pas désemplir. La technique est toute simple : elles y laissent leurs numéros de téléphones en cas de besoin. Les clients, fort heureusement, ne manquent pas non plus à l’appel de la chair. Mais les fortunés, de préférence les Blancs, sont évidemment prisés.
Votre fidèle serviteur vous raconte ici un exemple dont il a été lui-même témoin oculaire dans un hôtel de la place.
Il est 14 heures 45 minutes quand deux jeunes filles apparaissent dans la cour à la recherche d’un travailleur l’infrastructure.
Qui est FK ? demanda l’une d’elles. Précisons que le nommé FK est serviteur dans ledit hôtel. Sachant que les jeunes filles ne connaissent pas cet homme de vue, votre fidèle serviteur- saint homme, vous le savez bien- répondra : « C’est moi Fellah, qu’y a-t-il ? »
Une des jeunes filles de s’approcher pour dire : « J’aimerais laisser mon numéro de téléphone auprès de toi au cas où tu trouveras des clients intéressés pour une partie de ‘’ jambes en l’air’’ »
-Comment t’appelles-tu ?
« Je m’appelle Aicha Diakité, je viens de Koutiala »
-Combien coûte la nuitée de ta prestation ?
« Je ne sais pas grande chose, mais tout dépendra de la qualité de ma prestation. Il ya des clients avec lesquels on n’a même pas besoin de fixer un prix, ces clients peuvent te donner une somme colossale à laquelle tu ne t’attendais pas. ».
Ainsi se pare nt les couloirs de la biennale à Sikasso, région qui a le plus fort taux de prévalence de sida dans notre pays. Or, concomitamment, on ne voit pas bien une véritable campagne en faveur de la protection. C’est là une fausse note que seule la conscience individuelle peut corriger.
Moussa Touré, Envoyé spécial
A travers des pièces de théâtre
Les troupes dénoncent les tares de la société
Après les troupes du District de Bamako et de Mopti, celles de Ségou, Gao, Tombouctou et Kidal ont exposé devant le jury et le public, respectivement les 22, 23, 24, 25 décembre 2010, leurs potentialités culturelles à travers solos de chant, orchestres, danse traditionnelle, ballets et pièces de théâtre. Ces deux dernières disciplines permettent généralement aux acteurs de dénoncer les maux qui minent notre société.
Dores et déjà, cela semble être une évidence : la région de Ségou, à cause de son palmarès aux biennales de 2005 et de 2008 où elle fut classée respectivement 3ème et 2ème, est à classer parmi les grands favoris.
Ainsi, c’est avec l’idée de faire encore mieux que la troupe de Ségou est venue à la présente édition de la biennale artistique et culturelle. Elle mettra donc tout son poids sur le ballet, l’orchestre et la pièce de théâtre qui sont notées respectivement sur 25, 30, 35 points.
Le thème de la pièce de théâtre de la cité de Balanzan intitulée « A qui le chapeau ? » n’est pas loin de celui de Bamako, car il met en scène deux principaux acteurs (un fou et un ivrogne) qui dénoncent tout haut les tares de l’école malienne : la corruption, le laxisme et le niveau bas des enseignants, les grèves intempestives, le manque d’hygiène des vendeuses devant les cours des écoles…
Contrairement aux autres qui ont campé leurs pièces de théâtre sur les seuls maux de l’école, celle de théâtre de Gao titrée « Accusé, levez-vous ! », a touché du doigt toutes les tares de notre société, entre autres : les expropriations et les malversations foncières, les dépenses colossales dans l’organisation des festivités, telle que celle du Cinquantenaire, et les sommes faramineuses dans la construction des monuments. Sur un tout autre plan, la pièce dénonce la faiblesse des partis politiques devant certains candidats indépendants aux échéances électorales, la manière de gestion des différents régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance à nos jours. Enfin, elle a invité les Maliens à la réconciliation.
Quant à la pièce de la troupe de Tombouctou titrée « Au nom du père, du fils, des lois et des valeurs traditionnelles », a touché les textes qui régissent nos familles, les textes en voie d’adoption tel que le Code des personnes et de la famille par opposition à certaines de nos valeurs traditionnelles(le mariage précoce, la soumission de l’épouse à son époux).
Aussi, la pièce a critiqué la politique de la sécurité alimentaire à travers l’Initiative riz, la célébration du 50ème anniversaire de notre accession à la souveraineté nationale et internationale.
Toujours sur le plan politique, la pièce a dénoncé l’accaparement des associations féminines par les politiciens qui ne sont animés que par leur seule volonté politique.
Rappelons que c’est la troupe de la cité des 333 saints qui a occupé le premier rang lors de la biennale artistique et culturelle de 2008 à Kayes. Parviendra-t-elle à conserver cette première place ? A voir l’ambition affichée, la fête sur les dunes peut commencer.
La troupe de Kidal, dans sa pièce de théâtre intitulée « A nous la citoyenneté », parle de la décentralisation. Ainsi, elle a invité, d’une part, les autorités locales telles que le les maires et les conseillers municipaux à s’engager pour l’intérêt général de la commune et, d’autre part, les populations à prêter main forte au conseil communal pour le développement de la commune. Pour ce faire, chaque citoyen doit faire preuve de citoyenneté en payant régulièrement ses impôts, ses taxes.
Le ballet, qui a mis l’accent sur la déforestation, la sécheresse, le reboisement…, a fait l’objet de critiques de la part de certains spectateurs qui pensent que ce sont des réalités qui ne collent pas avec la région de Kidal, une zone déjà désertique où on ne voit pratiquement pas de grands arbres. Que c’est également une zone où même si l’on plantait des arbres, il est probable qu’ils ne résistent pas à la chaleur et au manque d’eau.
Moussa Touré, envoyé spécial
Le National 27/12/2010