Classée 5ème au classement général à la biennale 2008 à Kayes, la région de Mopti est arrivée cette année avec des arguments têtus à l’édition 2010 à Sikasso. En tout cas, nombreux sont les spectateurs qui sont sortis de la salle satisfaits. Tout a commencé avec la prestation de son orchestre. A Kayes, Mopti s’était classée première avec 26 points sur 30, devant Tombouctou (23 points) et Kayes (21 points). Donc, dans cette discipline, toutes les régions sont venues pour battre l’orchestre de la Venise malienne. Mais, vu la prestation de Mopti, il va falloir que les autres régions redoublent d’efforts si elles veulent atteindre leur objectif. Comme toutes les régions, Mopti a proposé deux titres : « Cinquantenaire » et « Mandé ». Le titre « cinquantenaire » chanté en langue Bobo, sur une orchestration qui démontre tout le potentiel musicale de cette aire culturelle, a été un régal.
Le leader vocal, accompagné par des choristes, dans un rythme dansant, après avoir rappelé les grandes réalisations du pays pendant les cinquante ans, a invité les jeunes à ne pas s’adonner à l’alcool ou à d’autres déviances pouvant nuire à leur santé, pour se consacrer au développement rapide de leur pays. « Mandé », le titre du deuxième morceau, est en quelque sorte une chanson qui retrace la grande marche qui a conduit le peuple Dogon du Mandé jusqu’à leur site actuel. Dans tous ces deux morceaux, Mopti, a mis à contribution les instruments à vent. Et, comme Mopti est arrivée pour prendre une revanche, son chœur dédié au Mali sous le titre de « Mali Fasa » est une chanson consacrée au cinquantenaire de notre pays. Les choristes accompagnés par un rythme du bara de Ségou y rappellent que cette période de la vie de la nation a été marquée par des succès notables dans les domaines des usines, radios, CSCOM, écoles, routes… Mieux, cette chanson invite les Maliens à se ceindre la taille pour faire face aux grandes actions de développement.
« Nous vous demandons pardon », traduction littérale du peulh de l’intitulé de l’ensemble instrumental de Mopti. Deux calebasses, un n’jarku, deux flûtes, un violon, un yabara, deux à trois tam-tams sont les instruments que Mopti a mis a contribution pour demander dans une chanson bien rythmé, aux Maliens de s’investir pour la paix nécessaire à tout développement. Pour sa danse traditionnelle, la 5ème région a fait appel à « Kiri ». Danse populaire en milieu peulh du Seno, le « Kiri » est dansé par des jeunes filles et des jeunes garçons, sur un rythme fait de sons de flûtes, violons et de tambours. « J’ai eu peur de ce monde », traduction littérale du peulh du titre du solo de chant de Mopti, est une chanson qui salue tout ce qui a été fait au Mali en cinquante ans et qui dénonce la mésentente entre les différents dirigeants du pays. La 5ème région, pour son ballet, a choisi d’inviter les spectateurs à revivre l’histoire de Tapama Djenepo.
Le ballet de Mopti intitulé « Tapama Djenepo ou le sacrifice » est l’expression du sacrifice suprême qu’une jeune fille a consenti pour permettre à sa communauté de vivre heureuse sur le site actuel de Djénné. « Le champ de gombo de grand-mère » est le titre de la pièce de théâtre de Mopti. Ecrit par Boubacar Belco Diallo, la mise en scène a été assurée par Mamoudou Goro, directeur du camp de jeunesse de Soufroulaye. Jouée en quatre tableaux, cette pièce dénonce le comportement outrancier de certains cadres du pays qui imaginent des stratagèmes honteux pour spolier le trésor public. Une accusation fictive, un procès fictif, un dédommagement de complaisance à hauteur de plusieurs millions de FCFA sur le dos de l’Etat du faussement accusé et le tour est joué. Avec une mise en scène et un bon jeu des acteurs, la pièce de théâtre de Mopti allait faire mouche, tant le sujet dénonçant la corruption dans l’appareil judiciaire qui est d’actualité dans le pays.
Il est temps que les uns et les autres comprennent que la mise en scène n’est plus une affaire d’amateur. Les enjeux à la biennale sont tels que même si les acteurs sont des amateurs, les troupes doivent s’offrir les moyens de s’attacher les services de metteurs en scène professionnels. Dans tous les cas, Mopti a le droit de jubiler parce qu’ayant mieux fait que Kayes.
Assane Koné
Le Républicain 23/12/2010