BAVURE MILITAIRE A BOUNTY : Le rapport d’enquête de la Minusma confond Barkhane  

Le rapport d'enqûete de la Minusma a confirmé la thèse de la bavure de la Force française Barkhane à Bounty

La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a publié hier (mardi 30 mars 2021) le rapport de l’enquête sur les évènements de Bounty (Douentza/Mopti) du 3 janvier 2021.

Au terme de l’enquête, la mission est en mesure de confirmer la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe, une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma.

Elle confond donc la Force française qui a toujours réfuté la thèse d’une bavure ayant coûté la vie à d’innocents civils.

«L’équipe n’a constaté sur le lieu de l’incident aucun élément matériel qui aurait pu attester la présence d’armes ou de motos tel qu’établi par le rapport des experts de la police scientifique des Nations unies» ! Telle est la conclusion de la mission d’enquête de la MINUSMA sur la tragique frappe de la Force française Barkhane sur le village de Bounty le 3 janvier dernier.

Ce jour, la cible des avions de la Force française Barkhane était une cérémonie de mariage qui a rassemblé une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées et membres présumés de la Katiba Serma.

C’est suite aux allégations faisant état de la mort de plusieurs civils lors d’une frappe aérienne le 3 janvier 2021 à proximité du village de Bounty (Douentza/Mopti), au centre du Mali), la Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la Minusma a déployé une mission spéciale d’établissement des faits du 4 janvier au 20 février 2021.

Cette enquête, souhaitée par de nombreuses organisations maliennes et internationales de défense des droits humains (Association malienne des droits de l’homme, Fédération internationale pour les droits humains et Human Rights Watch), a bénéficié de l’appui de la police scientifique des Nations unies.

L’enquête, selon le communiqué publié hier mardi par la Minusma, a conclu qu’au moins «22 personnes, dont trois des membres présumés de la Katiba Serma présents sur le lieu du rassemblement, ont été tuées par la frappe de Barkhane».

Elle a précisé que sur les 22 personnes tuées, 19 l’ont été directement par la frappe, dont 16 civils, tandis que les trois autres civils ont succombé des suites de leurs blessures au cours de leur transfèrement pour des soins d’urgence. Au moins huit autres civils ont été blessés lors de la frappe.

«Les victimes sont tous des hommes âgés de 23 à 71 ans dont la majorité habitait le village de Bounty», a indiqué le communiqué.

Ce rapport a été élaboré sur la base des entretiens individuels organisés avec au moins 115 personnes et avec au moins 200 personnes lors des réunions groupées.

La mission d’enquête a également déclaré avoir réalisé plus d’une centaine d’entretiens téléphoniques et analysé au moins 150 publications, notamment des communiqués et déclarations officiels, des articles de presse, des déclarations et positions d’autres acteurs, des sources ouvertes ainsi que des photographies et vidéos concernant la frappe de Bounty…

«Je me félicite que ce travail important de la MINUSMA, en conformité avec son mandat relatif aux droits de l’homme, ait pu être réalisé avec la coopération de toutes les parties concernées», a déclaré le Chef de la Minusma, M. Mahamat Saleh Annadif (en fin de mission au Mali) cité par le communiqué.

Pour la mission onusienne, cette frappe soulève des «préoccupations importantes quant au respect des principes de la conduite des hostilités», notamment l’obligation de faire tout ce qui est pratiquement possible pour «vérifier que les cibles sont bien des objectifs militaires».

Au terme de l’enquête, la mission onusienne a recommandé aux autorités maliennes et françaises, entre autres, de «diligenter une enquête indépendante, crédible et transparente» afin d’examiner les circonstances de la frappe et son impact sur la population civile de Bounty ; d’examiner de manière approfondie le processus de mise en œuvre des précautions lors de la préparation d’une frappe ainsi que des critères utilisés pour déterminer la nature militaire de l’objectif aux fins de l’application du principe de distinction y compris l’appartenance à un groupe armé à la lumière de cet incident et à y apporter des modifications si nécessaires ; d’enquêter sur les possibles violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme ; d’établir les différentes responsabilités et d’octroyer «une réparation appropriée» aux victimes et aux membres de leurs familles.

Il faut rappeler qu’au lendemain de cette frappe, l’état-major français a «réfuté» la thèse de la bavure en évoquant «une patrouille d’avions de chasse» qui a «neutralisé» des dizaines de terroristes préalablement repérés après une opération de renseignement de plusieurs jours. «Les informations relatives à un mariage ne correspondent pas aux observations effectuées», a-t-il précisé.

L’enquête de la Minusma vient de donner raison aux populations locales qui ont toujours dénoncé une bavure militaire.

Naby