Des sénateurs ultra-conservateurs et certains de leurs collègues modérés, pour des raisons différentes, ont annoncé qu’ils s’opposaient au texte rédigé par les chefs républicains, dont un rapport publié lundi estime qu’il mettra 49 millions de personnes hors du système de couverture maladie en 2026, soit 18% des moins de 65 ans, contre environ 10% aujourd’hui.
Si la majorité persistait à soumettre le texte aux voix des sénateurs cette semaine, elle risquerait de recevoir un camouflet retentissant, a fortiori s’agissant d’une des promesses électorales phares de Donald Trump, dont le bilan législatif est jusqu’à présent très mince.
Le texte abrogerait des éléments centraux de la loi démocrate de 2010, pierre angulaire de la présidence Obama, notamment l’obligation universelle de s’assurer et une série de réglementations visant à assurer un niveau minimum de couverture partout dans le pays.
Il réduirait fortement les crédits fédéraux à la santé, en particulier pour la grande couverture médicale pour les plus pauvres et les handicapés, Medicaid, qui assure un Américain sur cinq.
Conséquence, selon le Bureau du budget du Congrès (CBO), les Etats-Unis compteraient 22 millions d’assurés de moins à l’horizon 2026, par rapport au statu quo Obamacare, dont les progrès seraient en grande partie effacés.
Ce retour en arrière est jugé inacceptable par les modérés. L’une de leurs porte-voix, Susan Collins, a annoncé lundi qu’elle voterait contre la proposition de loi. Elle votera aussi contre l’ouverture des débats, lors d’un scrutin de procédure qui devrait avoir lieu mardi ou mercredi.
Son Etat du Maine a largement bénéficié de l’extension de Medicaid sous Barack Obama, et elle a justifié son opposition afin de protéger « les Américains les plus vulnérables », notamment dans les zones rurales où l’accès aux soins est plus difficile.
– Quadrature du cercle –
De l’autre côté, l’ultra-conservateur Rand Paul qualifie le plan républicain d' »Obamacare light », loin de l’abrogation totale dont il rêve avec trois autres collègues. Car de nombreuses aides financières, bien que réduites, seraient reconduites.
« C’est un mauvais texte », a répété le sénateur du Kentucky, concluant: « Mieux vaut ne rien voter que de voter une mauvaise loi ».
Toute la minorité démocrate étant contre, les républicains doivent limiter les défections à deux sénateurs sur 52, le Sénat comptant 100 membres.
Au dernier décompte, au moins cinq républicains avaient pris position contre la législation.
Donald Trump a parlé ce week-end à plusieurs d’entre eux, mais aucun progrès ne semble avoir été enregistré.
Les partisans de la réforme insistent sur le fait que, en abrogeant certaines réglementations, les prix de l’assurance baisseraient à terme, pour certaines personnes, par exemple des gens en relativement bonne santé, en villes et plus jeunes, qui auraient désormais le choix de souscrire des couvertures allégées.
Mais dans un premier temps, les primes d’assurance augmenteraient mécaniquement avec le départ du marché des patients en bonne santé, qui ne seraient plus soumis à l’obligation de s’assurer. Une hausse des prix serait « totalement inacceptable », a jugé le sénateur Ted Cruz, qui pense aux élections législatives de novembre 2018.
La Maison Blanche, de son côté, a dénoncé la méthodologie du CBO, citant d’anciennes prédictions qui ont été démenties plus tard par la réalité.
Trouver un compromis relève de la quadrature du cercle. Tout amendement qui satisferait les modérés ferait partir les conservateurs, et inversement.
Vétéran du Sénat, le républicain Lindsey Graham estimait lundi soir que les différends « philosophiques » étaient sans doute irréconciliables, et n’était guère optimiste.
« Pour ceux qui hésitent, le rapport du CBO ne leur est d’aucune aide », a-t-il dit. « Cela va être difficile d’atteindre les 50 voix ».
Aux Etats-Unis, la moitié environ des gens sont assurés par leur employeur. Des assurances publiques couvrent les plus de 65 ans (Medicare) et les plus vulnérables (Medicaid). Le reste, une cinquantaine de millions de personnes, doivent s’assurer seuls dans le privé (entrepreneurs, salariés de PME, temps partiels, artisans…); Obamacare les aidait à le faire.
(©AFP / 27 juin 2017 07h56)