Chaque année, les provisions de vivres stockées de décembre à juillet dans la banque de céréales de ce village sont vendues aux populations de 60 villages, tous membres de l’association. «Vers le début de l’hivernage (la saison des pluies de juin à octobre) qui s’achève maintenant, l’association a accordé aux paysans des semences de maïs, ainsi que des intrants (engrais). Les bénéficiaires vont rembourser l’engrais avec une partie de leurs récoltes que nous allons stocker dans la banque de céréales», a expliqué Traoré.
Ces collectes permettront à l’association de mettre, sur le marché, du maïs à un prix largement inférieur à celui que proposent les commerçants pendant la saison des pluies. Pourtant, après les récoltes, les commerçants achètent des céréales à bas prix auprès des paysans qui ont besoin d’argent pour faire face à certaines dépenses courantes de leurs familles.
«Mais, notre association, qui achète aussi une partie des stocks de la banque de céréales, propose un prix d’achat plus intéressant aux paysans», a indiqué à IPS, Sory Bagayogo, un paysan de Sanakoroba.
Selon Bagayogo, quand les commerçants proposent le sac de mil à 25.000 francs CFA (environ 54 dollars), la banque de céréales l’offre à 15.000 FCFA (environ 32 dollars). «Au moment des récoltes, les commerçants achètent parfois auprès des paysans le sac de mil à 7.500 FCFA (environ 16 dollars) tandis que la banque de céréales peut l’acheter à 12.500 FCFA (27 dollars)», a-t-il expliqué.
En dehors de la spéculation des marchands de céréales, une des raisons de l’existence des banques de céréales est l’incapacité des paysans à atteindre l’autosuffisance alimentaire par leurs propres cultures.
«Je ne connais aucun village où il y a plus de quatre ou cinq familles qui trouvent leur nourriture de toute l’année en cultivant. C’est à cause de la sécheresse que nous nous intéressons beaucoup aux banques de céréales», a affirmé à IPS, N’Téï Diarra, une femme paysanne du village de Massantola, dans le sud de pays sahélien d’Afrique de l’ouest.
Mais, c’est à l’initiative du gouvernement malien, en 2005, que les banques de céréales se sont multipliées dans les villages. Ainsi, il a été octroyé 20 à 25 tonnes de céréales à chacune des 703 communes du pays en fonction du besoin de chaque municipalité. Et dans chaque commune, un comité de gestion comprenant les représentants des jeunes, des femmes, des paysans et de l’Etat (le sous-préfet), s’occupe de la vente et de la reconstitution des stocks de ces banques de céréales.
Malgré ces nombreuses mesures de protection, les banques de céréales sont souvent mal gérées par certains responsables locaux. Bourama Diarra, agent d’une caisse d’épargne et de crédit dans le cercle de Kolokani (sud du pays), a témoigné à IPS: «Un maire dont la commune était à court d’argent, avait fait un retrait sur le compte de la banque de céréales (en 2009), mais il n’avait pas acheté de céréales pour reconstituer le stock. Il avait utilisé l’argent pour payer le per diem des gens qui avaient participé à une réunion municipale».
Le conseil municipal n’a pris aucune sanction contre le maire, mais sous la pression du sous-préfet qui a découvert le détournement, le maire a remboursé l’argent, selon Diarra.
Cependant, des mesures de contrôle ont été prises pour que les villages puissent sauvegarder les fonds de roulement. «L’Etat exige que les fonds des banques decéréales soient logés dans une banque de proximité. C’est pourquoi lorsque les paysans achètent les stocks de céréales, l’argent est gardé dans un compte spécial», a déclaré à IPS, Dicko Bassa Diané, la chargée de la promotion des échanges au Commissariat à la sécurité alimentaire à Bamako, la capitale malienne.
Ce commissariat, créé en 2005, souligne dans son rapport de 2009 que les banques de céréales ont fait un taux de reconstitution de 50 pour cent. Ce service public suit de près la gestion des banques de céréales, propose des stratégies, prépare et met en œuvre des mesures visant à assurer une pleine couverture des besoins alimentaires du pays.
Cet organe veille également à la constitution et à la reconstitution du stock national de sécurité alimentaire. Ainsi, il organise, après les récoltes, des bourses de céréales dans certaines régions du sud du pays qui en produisent beaucoup. Les bourses de céréales sont des rencontres organisées entre producteurs et acheteurs, entre décembre et mars.
«C’est l’occasion pour les grands producteurs céréaliers de ces zones (productrices) de négocier des contrats de vente directement avec les responsables des banques de céréales des zones désertiques du grand Nord (peu propices à l’agriculture)», indique Diané.
APS26/11/2010